Pourquoi continue t-on à construire à Noisy-le-Grand ?
POURQUOI
CONTINUE T-ON
DE CONSTRUIRE
A NOISY LE GRAND ?
« Parce qu’il faut des logements » dit Michel Pajon ! « J’ai 1500 dossiers en attente dans les services sociaux de la ville » ; « pour les familles monoparentales et les enfants de Noisy le Grand qui veulent décohabiter de chez leurs parents » rajoute-t-il ! Là dessus, Jean Paul Huchon chiffre le besoin à 60 000 logements/an en Ile de France ; 70 000 surenchérit Nicolas Sarkozy. Qui dit mieux ?……
Face à l’hégémonie des Maires bâtisseurs, et une actualité pleine d’évènements catastrophiques, nous continuons par ailleurs à vouloir construire en zone inondable. Et pourtant la multiplicité des catastrophes, le désespoir des populations sinistrées meurtries dans leur chair font souvent la une des media. Noisy le Grand n’échappe pas à ce phénomène puisque l’Enquête Publique qui se déroule actuellement sur le PPRI révèle que la commune demande la modification du zonage des bords de Marne, afin d’urbaniser le secteur, y compris en construisant précautionneusement sur pilotis.
En fait, au problème d’aménagement du territoire, construire de nouveaux logements est aussi un problème de financement des communes, même si ce n’est jamais évoqué par les édiles.
Pourquoi s’agit-il d’un problème financier ? Tout simplement parce que la manne financière des communes provient en grande partie de l’urbanisation, de l’arrivée de nouveaux habitants ou de l’installation de nouvelles entreprises. Le Droit de Mutation à Titre Onéreux, les taxes d’habitations, les taxes foncières, les taxes professionnelles, alimentent les fonds communaux. Le financement des raccordements au réseau public des fluides alimente les budgets et c’est ainsi qu’on assiste à Noisy le Grand à une course effrénée de recherche de nouveaux habitants pour financer les travaux en cours. Nous aurions ici l’explication des 10 000 nouveaux logements dans les prochaines années ?
Face à ce constat, et à la lumière des trois billets précédant sur : « Le maire, l’accession sociale et le promoteur », nous avons tenté de dégager quelques impacts de cette politique sur la vie locale, afin de décrypter les véritables enjeux.
Les ressources fiscales
Lors du Conseil Municipal du 1er avril dernier, l’Adjoint au maire délégué aux Finances a indiqué que la Loi de finances pour 2010 prévoit la suppression de la Taxe professionnelle, qui représentait pour la ville en 2009 49,10% des recettes fiscales directes, ce qui était très confortable. Toutefois, au titre de 2010, la commune percevra une dotation de compensation dite « compensation relais » qui s’élèvera à 32 773 804 €. Donc, même si ce système de compensation intégrale de cette taxe par l’Etat ne devrait pas avoir d’incidence sur les recettes de la ville jusqu’en 2011, les Noiséens ont eu la mauvaise surprise d’apprendre que la taxe d’habitation et la taxe foncière vont augmenter de 2,8%.
Taxes qui représentent respectivement au budget primitif 2010 :16 417 627 € pour la taxe d’habitation , 16 886 654 € pour la taxe foncière sur le bâti, 246 859 € pour la taxe foncière sur le non bâti, soit une recette de fiscalité directe s’élevant à 33 551 140 €, en progression de 4,8% / 2009 (et non de 4,34% comme mentionné dans le Procès Verbal du Conseil Municipal du 1er avril).
Le Droit de Mutation à Titre Onéreux est un impôt indirect acquitté lors de la transmission d’un patrimoine. Ce droit est toujours supporté par l’acquéreur du bien. C’est un taux d’imposition qui correspond à 1,2% pour la Commune. En Seine Saint Denis, il correspond environ en moyenne à 130 €/hab. Son augmentation sur la période 2004-2007 fut de 44,6%. Au budget 2010 de Noisy le Grand, c’est un produit de fiscalité indirecte estimé à 1 400 000 €.
Plus insidieuse mais non moins redoutable, la Taxe additionnelle municipale sur l’électricité qui s’élève à 8% et s’applique sur 80% du montant de la facture EDF HT (voir votre facture en détail). Pour la ville, c’est encore un produit indirect de 920 000 €.
Le budget assainissement 2010 montre un complément de recettes de 35 000 €, provenant des participations versées par les usagers (promoteurs ou particuliers) lors du raccordement des branchements au réseau d’assainissement. Par exemple sur un programme immobilier de 54 appartements dans le secteur de La Varenne, une surface de plancher de 3410 m² produit une taxe municipale de 13 640 €, soit 4 € / m² de SHON.
Les objectifs de maîtrise foncière : la préemption !
Nous ne pouvons pas aborder le problème de la construction de logements sans parler de la notion de maîtrise foncière, puisque la compétence générale d’une commune sur le plan de l’urbanisme et du logement reste un pouvoir d’administration de l’usage des sols. D’aucuns disent un pouvoir de dire oui ou non. Pouvoir d’ailleurs absolu, puisque c’est le Maire qui dans tous les cas délivre les permis de construire sur son territoire. Ce phénomène est l’apanage des collectivités manifestant une volonté et une capacité de maîtriser l’immobilier d’un bout à l’autre de la chaîne économique. Noisy le Grand se situe dans cette catégorie puisque l’arme de référence utilisée est celle du « droit de préemption », afin d’acheter le bien en lieu et place de l'acquéreur initial. Ainsi, depuis plusieurs années, les différents budgets de la ville attribuent entre 10 et 14 millions d’euros aux acquisitions foncières.
Ainsi, nous retrouvons aujourd’hui l’instauration de 12 Périmètres d’Etudes sur la ville, autorisant la faculté de « surseoir à statuer » sur toute demande d’autorisation de construire, comme mentionné dans l’Article 2 de la délibération n° 49 du 10 mars 2005 sur le quartier des Bas Heurts.
Le hic, c’est que la conception de ce « surseoir à statuer » diverge en fonction des décisions d’opportunités. En effet, nous relevons sur le Périmètre d’Etudes du quartier de La Varenne voté le 15 décembre 2005, la délivrance récente de 3 permis de construire à des promoteurs locaux, soit le :
- PC 093051 09C0017 du 17/02/2009, pour 54 logements,
- PC 093051 09C0031 du 10/07/2009, pour 14 logements,
- PC 093051 09C0108 du 07/05/2010, pour 15 logements.
A ce jour, le registre des préemptions de la ville qui est un document communicable à la Direction de l’Urbanisme, fait état de 175 préemptions depuis le mai 2004 (sans compter les préemptions de la Socaren sur le Périmètre d’études des Bas Heurts). Selon nos estimations, en consultant les Procès Verbaux des CM, sur la période mars 2005 novembre 2009, le prix moyen d’acquisition par la commune s’élève à 296 €/m².
Lorsque le propriétaire a le temps pour lui, en dehors des cas de vente forcée pour cause d’événement de la vie (décès, héritage, divorce,….), où le propriétaire doit vendre rapidement, la vente peut se faire à un promoteur sur la base d’une charge foncière tenant compte des contraintes de constructibilité pesant sur le terrain. C’est ce que nous appellerons la « valeur d’usage » du terrain. Quel zonage au niveau du PLU ? Quel Coefficient d’Occupation des Sols (COS) ? Cela suppose pour le vendeur une information préalable du droit de l’urbanisme, mais il faut avouer qu’il est difficile pour un particulier d’investiguer, car il existe une asymétrie d’information par rapport aux promoteurs ayant droit de cité sur le territoire.
Dans le meilleur des cas, la connaissance de ces mécanismes permet au vendeur de capter la plus value foncière de son patrimoine, même si certains Maires grincheux prétendent qu’il s’agit d’un « enrichissement sans cause » puisque le propriétaire foncier hérite directement de la conjoncture immobilière sans qu’il n’en soit aucunement responsable. Mais alors que dire d’une œuvre d’art ! Quoi qu’il en soit, au dire des promoteurs, c’est toujours une affaire de « cuisine », de « salade », de « négociation tenace » et de « dialogue singulier ».
Pour illustrer nos propos, prenons des exemples boulevard du Maréchal Foch, dans le quartier de La Varenne, lors de l’acquisition par des promoteurs pour édifier de petits collectifs, soit :
- Parcelle AB 350, 532 m², estimation au 31/07/2001 : 205 806 €. Vente le 16/12/2005 : 460 000 €. Revente le 04/04/2006 : 500 000 €. Pas de préemption, soit : 940 €/m².
- Parcelle AB 351, 696 m², estimation au 19/06/2008 : 275 000 €. Revente le 19/03/2009 : 540 000 €. Pas de préemption, soit : 776 €/m².
Afin de valider ces prix d’achat, il suffit de connaître les ordres de grandeur des postes de dépenses dans le bilan d’une opération immobilière d’un promoteur, soit : Marge brute : 25%. Coût d’une bonne construction : 50%. Charge foncière : 25%.
Si nous appliquons ce principe à la parcelle AB 351 de 696 m², pour la construction de 14 appartements ; une surface de plancher de 688 m² et un prix de vente moyen de 3900 m², nous obtenons :
- Chiffre d’affaire : 2 683 200 €
- Charge foncière à 25% : 670 800 €, c'est-à-dire que le promoteur équilibrera son opération s’il ne dépasse pas un prix d’achat du foncier supérieur à 963 €/m².
Entre 296 € et 940 €/m², la différence de 317 % est significative. Comme le précisait Guihem Dupuy dans son étude, le propriétaire foncier est bien la victime idéale de ces pratiques des collectivités. Bertrand Maupaumé, dans son rapport de Commissaire Enquêteur relatif à la première modification du PLU le 29 octobre 2008 confirme cette assertion : «Considérant ………….que la politique volontariste d’acquisitions foncières menées depuis des années sur le site (NDLR : Le Clos d’Ambert), comme sur d’autres secteurs pavillonnaires de Noisy le Grand poussée jusqu’à l’expropriation, est une atteinte à la propriété individuelle privée (les résidents étant finalement spoliés matériellement et moralement ».
De cela, la commune se défend en disant que les prix d’acquisitions sont fixés par les Services des domaines. A l’ADIHBH-V, nous avons une perception différente de ces pratiques et sommes persuadés qu’en fonction d’attitudes d’opportunités, la donne peut être différente. Pour s’en persuader, prenons un exemple sur les Bas Heurts ces derniers mois, relatif à une acquisition de la Socaren. Dans ce cas, la proposition des domaines ce chiffre à 625 000 €. La Socaren estime la propriété à -26,4%. Finalement le Juge des Expropriations du TGI de Bobigny fixe l’acquisition à +38% par rapport au prix de la Socaren, alors !!!.....La SEM fait appel devant la Cour d’Appel de Paris.
Parfois, selon l’étude de l’ANIL, les élus ne se cachent pas d’exercer leur droit de préemption urbain souvent en dehors du cadre strictement légal en fournissant des motifs vagues assez fréquemment cassés par les juridictions administratives. La raison véritable de la préemption ne peut résider dans un motif de régulation des prix du foncier, car ce n’est pas un motif valable selon la jurisprudence. En effet, le droit de préemption ne peut s’exercer qu’au service d’un projet existant et en lien direct avec celui-ci, mais surement pas dans le but non avoué d’exercer un droit de regard sur les valeurs foncières de références susceptibles d’évoluer au gré des ventes de terrains. Noisy le Grand vient d’en faire encore une fois la triste démonstration si nous nous référons à la décision n° 316961 du Conseil d’Etat en date du 20 novembre 2009, qui annule une décision de préemption du 26 mai 2004, sur un bien immobilier se situant au 23, rue Léo Lagrange, dans le quartier de La Varenne.
Conclusions
Nous comprenons très bien qu’une ville comme Noisy le Grand doit se développer et rechercher des recettes pour faire face aux dépenses d’investissement afin de répondre aux besoins des Noiséens. Ceci est d’autant plus vrai que les ressources provenant des entreprises seront réduites dans le futur avec la suppression de la taxe professionnelle. Même si la ville récupérera la part départementale et régionale de la taxe foncière et chassera les subventions, dans les prochaines années la fiscalité de Noisy le Grand s’appuiera sur l’augmentation de la taxe d’habitation et de la taxe foncière. D’où la construction de logements, autant le dire tout de suite !
Toutefois, il n’est pas nécessaire de reproduire les mêmes erreurs des années 1970 en édifiant les cités pharaoniques des villes nouvelles, dont nous payons le prix aujourd’hui avec les contrats de réhabilitation urbaine (ANRU) ; et qu’il n’est pas souhaitable en période de crise de générer encore un urbicide en pratiquant la « tabula rasa » sur le quartier des Bas Heurts ou ailleurs, qui vont produire incivilité et insécurité.
Nous souhaitons tout simplement un développement harmonieux et raisonnable de la ville en concertation avec les résidents, donc accepter par les habitants, ou il fera bon vivre. Nous demandons une urbanisation audacieuse avec un « écoquartier », des espaces verts et une mixité sociale et urbaine, comme l’avait élaboré les Etudiants de l’Ecole Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette en février 2007. Hormis les Architectes mandatés par la ville, plus personne ne défend aujourd’hui le zoning fonctionnel des grandes années du développement urbain, comme voudrait l’instaurer Michel Pajon sur Maille Horizon et les Bas Heurts ; les bureaux d’un côté, les logements de l’autre. Cela sera d’autant plus vrai dans le futur, que Bertrand Lemoine, ancien Directeur de l’Ecole Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette vient d’être nommé à la tête de l’Atelier International du Grand Paris et déclarait dans Le Figaro du 28 mai 2010 : « Il y a urgence à revoir certaines règles normatives et perspectives. En matière d’habitat, l’objectif est la construction de 70 000 logements/an. Comme nous allons vers des villes plus compactes qu’étalées, il faut de la souplesse accompagnée d’une rupture avec les systèmes de zones étanches (bureaux, commerces, logements, activités,..) »
Michel Pajon connaît bien Bernard Lemoine puisque le 5 février 2007 il jugeait utile de le saisir d’un courrier pour fustiger ses excellents Etudiants d’un Etablissement Public, qui avaient soit disant osé porter atteinte aux équilibres économiques de la ville de Noisy le Grand. Et ainsi, se faire le relais de la démarche de l’ADIHBH-V qui, en l’espèce, se serait avérée avant tout politique et électoraliste ! Nous connaissons la suite….
En ce qui concerne les préemptions qui, à Noisy le Grand sont une institution, nous conseillons pour obtenir une indemnité « juste et équitable » de ne jamais accepter de discuter les offres amiables de la commune sans connaître la « valeur d’usage » de son terrain. Pour mettre toutes les chances de votre côté, le seul moyen d'y parvenir est souvent de saisir le Juge des Expropriations en se faisant assister par un avocat spécialisé de l'expropriation. Dans ce cas, un bon jugement peut être préférable à un mauvais arrangement.
____________