La preuve avec l’exemple des « Temps durables », à Limeil-Brévannes (94).
" La France connaît actuellement, à travers la réalisation des écoquartiers, un véritable engouement pour l’urbanisation, phénomène particulièrement surprenant, étant donné le contexte «anti-béton» des décennies précédentes.
Alors que les associations diverses et variées, se réclamant souvent de la mouvance écologiste, proliféraient dans de nombreuses communes pour dénoncer toutes nouvelles constructions d’envergure, obligeant les élus locaux «bétonneurs» à abandonner leurs différents projets plus ou moins importants, la situation a brusquement changé du tout au tout.
Désormais, une partie des personnes qui dénonçaient auparavant l’urbanisation se mobilisent pour la création d’écoquartiers, voire en proposent même[1].
En conséquence, de nombreux maires bâtisseurs se sont saisis de l’occasion pour ressortir de leurs cartons tous les projets qu’ils n’avaient pu, jusqu’ici, engager.
En effet, les écoquartiers sont considérés comme une sorte de panacée permettant de remédier à tous les maux de l’urbanisation ratée des décennies précédentes (grands ensembles, villes nouvelles et étalement pavillonnaire) à travers l’application du triptyque densité-écologie-mixité.
Leur réalisation repose sur une densité à l’hectare beaucoup plus importante que les grands ensembles, pour se rapprocher de la ville traditionnelle. Ils répondent aux nouvelles normes écologiques, en particulier dans le domaine des économies d’énergie. Enfin, ils respectent l’impératif de la mixité sociale, ce qui signifie qu’ils mélangent habitat de type HLM et en accession à la propriété.
La combinaison de ces trois éléments devrait conduire à la réalisation d’une urbanisation harmonieuse et réconcilier les français avec la ville.
Cependant, ce meilleur des mondes ne cache-t-il pas une réalité beaucoup moins reluisante?
L’étude d’un exemple pertinent va permettre de démontrer que le futur de ces nouveaux quartiers n’apparaît pas forcément aussi rose que leurs promoteurs voudraient nous le faire croire!......"
Laurent CHALARD (1).
Lire la suite de l’article sur http://www.slate.fr/story/107719/ecoquartiers-modeles-urbanisation-limeil-brevannes
Le Vrai Journal de Noisy-le-Grand s’interroge !
Laurent CHALARD fait une description épouvantable de l’écoquartier les « Temps durables » de Limeil-Brévannes. Toutefois, il est vraisemblable que le projet urbain initial de Christian DEVILLERS sur la ZAC dite du Clos aux Biches, malgré sa sur-densification de 1.500 logements, 4.000 habitants et les futurs soucis de circulation dans le quartier ne pourrait s’assimiler à cette ZAC apocalyptique de Limeil –Brévannes (94).
Le Géographe présente cet écoquartier des « Temps durables » comme une « forteresse » au milieu de nulle part, entourée de quartiers pavillonnaires, ou encore un territoire vierge, en espérant que cela crée de l’urbanité. Nous retrouvons bien ici des similitudes avec la ZAC du Clos aux Biches chère à Michel PAJON.
Laurent CHALARD mentionne encore que les pressions exercées par l’Etat (NDLR : de Gauche et de Droite) pour construire massivement et rapidement ne peuvent que conduire à la multiplication de l’urbanisation de terrains mal adaptés à l’accueil d’un habitat dense.
Dans ces conditions, la résolution de l’équation : « densité - mixité sociale -peuplement » dans un grand ensemble se révèle être pour les Bailleurs sociaux, les Préfectures ou les Municipalités, un objectif impossible à atteindre.
Si nous abordons maintenant le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) des grands ensembles des années 1960-1970, le Comité d’Évaluation et de Suivi (CES) de l’ANRU constate dans son rapport du 8 février 2013, l’échec de ses ambitions sociales.
Si les auteurs saluent l’action positive du PNRU sur le cadre de vie des habitants des grands ensembles comme par exemple le Pavé Neuf à Noisy-le-Grand, ils estiment que l’un des grands objectifs de la Loi de Jean Louis BORLOO qui visait à « casser les ghettos » et à favoriser la « mixité sociale, via une diversification de l’habitat », pour en faire un quartier comme les autres, a échoué !
Ce faisant, de même, la « gouvernance de la politique de la ville » qui avait pour objectif de résorber les écarts entre territoires, s’est interdit de reconnaître le fait qu’il y a toujours eu dans les villes des lieux de concentration de ménages pauvres et/ou appartenant aux minorités ethniques. Les grands logements bon marché (en supposant qu’il en existe), se trouvent aujourd’hui dans les grands ensembles HLM. En fait, si ces grands ensembles, anciens ou nouveaux, avec 30% de logements sociaux (au mieux des PLAI, des PLUS, mais plus communément du PLS) accueillent davantage de ménages pauvres et de minorités ethniques, on constate néanmoins que la population adulte à statut socio-économique différent, «dite classe moyenne », en location libre ou en accession à la propriété, déménage rapidement de ces quartiers, pour se reloger en pavillon.
En outre, nous pouvons même faire l’hypothèse que les mécanismes de promotion socio-résidentielle jouent dans cette mobilité.
Ainsi donc, la politique de peuplement de ces nouveaux grands ensembles peut conduire rapidement à une concentration des populations les plus en difficultés qui elles, ne peuvent déménager, au risque de produire de nouveaux ghettos dans dix ou quinze ans.
De plus, selon Yazid SABERG, Président du CES-ANRU, la mise en œuvre du Droit Au Logement Opposable (Loi DALO), a contribué à cette situation puisque les bénéficiaires sont systématiquement relogés dans ces quartiers.
Ce que nos dirigeants politiques de Gauche comme de Droite, ne semblent pas avoir compris.
D’où le « projet d’inflexion » de l’ADIHBH-V relatif au quartier des Bas Heurts à Noisy-le-Grand (93) qui a pour objectif une densification raisonnée, et une diversification de la morphologie urbaine avec de petits collectifs bas, mixtes avec des pavillons de ville.
Si la mixité sociale (socio-économique, ethnique et générationnelle) doit rester un objectif sur le long terme, il faut que la politique urbaine des Communes soit articulée avec les autres aspects de la vie sociale dans les quartiers. C’est ce que Bruno POMARD, Président de l’Association RAID AVENTURE dénomme : « assurer le service après vente ».
Toujours selon le CES, il faudrait accepter l’existence durable de milieux sociaux et de quartiers défavorisés, mais en pariant sur les potentialités des quartiers et les atouts de leurs habitants.
Cela nécessite de prendre en compte l’avis de ces derniers dans une réelle « co-élaboration » des projets et de favoriser le développement des quartiers « de l’intérieur ».
C'est-à-dire, pour le Vrai Journal de Noisy-le-Grand: connaissance du français; connaissances et respect de nos coutumes; connaissance et respect de notre histoire; participation à la vie publique, lutte contre la délinquance juvénile; lutte contre les discriminations; formation professionnelle; accès à l’emploi; réussite éducative; sécurité; civisme; etc…
Dans le cas contraire, comme depuis 30 ans, on continuera à déverser des milliards d’euros pour une efficacité toute relative en ce qui concerne le peuplement et la mixité sociale des grands ensembles, dans le cadre d’un pseudo développement urbain, économique et social durable.
Enfin, pour Xavier LEMOINE, Maire DVD de Montfermeil (93), l’une des villes les plus pauvres d’Ile-de-France : « l’argent apporte une facilité matérielle, mais ce n’est pas lui qui donne une âme sociale aux projets».
______
(1) - Laurent CHALARD, est Docteur en Géographie de l’Université Paris IV- Sorbonne depuis 2008, ses travaux portent sur plusieurs thématiques : la géographie urbaine, la géographie de la population et la géographie politique.
Son champ d’étude privilégié est la France, mais il travaille aussi sur d’autres pays européens et du reste du monde. Auteur ou co-auteur d’une soixantaine de publications, son travail a été cité à plusieurs reprises dans la presse nationale : Le Monde, Le Figaro, Les Echos, Le Point, Direct-Matin, Politis, Sciences-Humaines…
Dans le prolongement de ses recherches, il publie aussi des tribunes dans la presse, considérant que, par ses connaissances, un chercheur se doit d’intervenir dans le débat public.
Contribution bibliographique :
- Le R&N Alsace du 11 juin 2015, Xavier LEMOINE : Ma foi est un guide en politique,
- Thomas KIRSZBAUM, Sociologue de l’urbain, chercheur, ouvrage collectif : « En finir avec les banlieues ? Le désenchantement de la politique de la ville »,
- www.maire-info.com: La rénovation urbaine ne peut pas créer de la mixité sociale.
- L’ADIHBH-V exprime toute sa gratitude à Daphnée LEPORTOIS du site slate.fr, pour nous avoir autorisé la publication de l’article de Laurent CHALARD.