LA TRANSFORMATION DE BUREAUX EN LOGEMENTS, UNE REPONSE
A L’OBSOLESCENCE
DU PARC
DE NOISY-LE-GRAND ?
Chercher l’erreur! Un stock de bureaux vides d’un côté, une pénurie de logements de l’autre. Pas moins de 4,5 millions de m2 d'immobilier d'entreprise ou de commerce seront vacants en Ile-de-France d'ici un an. C'est particulièrement notable dans les communes de la première couronne de Paris qui ont clairement privilégié le bureau sur le logement, en raison des retombées fiscales et pour des questions d'image, explique Immogroup Consulting, qui a publié fin décembre 2012 une étude au titre sans équivoque "Le scandale de l'immobilier d'entreprise dans un contexte de crise du logement".
Rien qu'à Noisy-le-Grand, premier Pôle Tertiaire de l’Est Parisien, c’est environ 40 000 m2 ! Dans la seule capitale, 1,4 million de mètres carrés étaient vides à fin juin 2012. D'un côté la Mairie de Paris dit manquer de foncier pour bâtir du logement social, de l'autre il permet la construction de bureaux dont une grande partie ne trouve pas preneur, déplore le collectif Mal-logés en colère. Or certains immeubles risquent de rester vides longtemps.
L'Observatoire Régional de l'Immobilier d'Entreprise en Ile-de-France (ORIE), dans le cadre de son 26ème colloque du 14 février 2013, vient de présenter une étude sur la transformation et la mutation des immeubles de bureaux.
L’idée de transformer des bureaux en logements n’est pas nouvelle. Ce sujet, qui suscite un vif intérêt et de nombreuses interrogations, a été abordé dans le milieu des années 1990 dans un contexte de crise de surproduction. Partant du constat d’un stock important de bureaux vacants et en parallèle d’une pénurie de logements, la transformation des bureaux en logements a été envisagée par les professionnels de l’immobilier et les pouvoirs publics au nom d’impératifs économiques (limiter les effets de la crise) et sociaux (répondre aux Franciliens mal-logés ou en attente de logements).
Cette idée de transformer des bureaux en logements réapparaît de nouveau à la fin des années 2000, dans un contexte de crise économique, et non plus de surproduction, de rapprochement voire d’inversion de la hiérarchie des valeurs entre les bureaux et logements sur certains périmètres. Le lien est vite réalisé face à ces deux écueils :
- Obsolescence d’une partie du parc de bureaux (en termes de localisation géographique, et de fonctionnement) d’une part. Accélérée par les évolutions des modes de travail, l’arrivée de nouvelles normes réglementaires et environnementales.
- Pénurie de logements en raison de l’insuffisance de la production neuve et des évolutions démographiques, d’autre part.
Bien plus qu’un débat entre adeptes et sceptiques de la transformation des immeubles de bureaux, le groupe de travail de l’ORIE a souhaité analyser cette problématique de façon large et objective à partir de données statistiques normées et d’études de cas. Il s’est fixé comme objectif, de réfléchir à l’échelle francilienne, à toutes les utilisations possibles (logements, commerces, hôtels de tourisme, résidences services et étudiantes) pour des immeubles de bureaux devenus uniquement des valeurs foncières, des non-valeurs, et qui ne pourront plus retrouver une fonction « bureau ». Quelles sont les transformations possibles pour les immeubles de bureaux définitivement inadaptés à la demande du marché ? Dans quelles conditions les immeubles de bureaux peuvent-ils être transformés en d’autres locaux ? La problématique de la transformation est-elle de nature conjoncturelle ou structurelle ? Quel est le gisement de bureaux à transformer ?
Des analyses statistiques ont été menées à Paris, seul département francilien où il existe un suivi régulier en matière de changement de destination durant ces vingt dernières années. Il en ressort qu’entre 1990 et 2010, un peu plus d’un million de m2 SHON de bureaux a été autorisé à la transformation, ce qui représente une moyenne annuelle d’environ 53 000 m2. En moyenne et par an, un peu plus de 33 000 m2 de bureaux ont été convertis en habitation entre 1990 et 2010, soit une production annuelle de 300 à 400 logements. Selon le groupe Pitch promotion, un promoteur a récemment réhabilité 5000 m2 de bureaux à Courbevoie pour les revendre en logements.
Si, jusqu’à la fin des années 2000, plus de 70% des surfaces autorisées à la transformation le sont en logements, à la fin des années 2000, plus de 40 % des surfaces autorisées à la transformation le sont en hôtels de tourisme, commerces, résidences de services et étudiantes.
Les enjeux et les logiques en matière de transformation recouvrent des besoins et des préoccupations différentes selon que l’on soit un acteur institutionnel de l’immobilier d’entreprise (investisseurs, utilisateurs, promoteurs), une personne physique ou encore un bailleur social.
Si les personnes physiques transforment majoritairement des petites surfaces, les bailleurs sociaux ont, quant à eux, réalisé au nom d’un impératif de mixité sociale, des opérations de plus grande envergure (immeubles de 10 000 m2) à l’aide de dispositifs tels que les baux emphytéotiques. 26% des surfaces de bureaux convertis en logements, ont été réalisées par des bailleurs sociaux à Paris.
Les acteurs institutionnels de l’immobilier d’entreprise restent, quant à eux, peu concernés par les opérations de transformation de bureaux en logements et privilégient les conversions de bureaux en hôtels de tourisme, commerces, et résidences services.Entre 2001 et 2010, ces institutionnels sont à l’origine de 6 % des opérations de transformation de bureaux en logements. Les immeubles ainsi transformés sont généralement cédés.
Les recherches réalisées montrent que la transformation s’apprécie au cas par cas, chaque bâtiment, chaque configuration étant unique. Elle est possible, mais pas dans tous les secteurs, l’équation financière (réhabiliter les bureaux est une piste intéressante à condition que les promoteurs livrent ensuite des logements vraiment accessibles), juridique et technique reste encore difficile à résoudre. Il faut notamment pouvoir créer des plans viables avec suffisamment de vues, avoir la possibilité de placer des colonnes pour desservir les pièces dites humides, ce qui n'est pas toujours possible.
L’analyse de la faisabilité économique, à partir de cas réels et de simulations à Paris et en première couronne (réhabilitation lourde de bureaux ou transformation en logements) montre, qu’à l’heure actuelle, la transformation des immeubles de bureaux en logements est envisageable dans les secteurs où il existe une forte pression foncière pour les logements, et où les opérateurs se heurtent à des problèmes de droits à construire (impossibilité de reconstruire un immeuble à surface égale de l’existant).
A ces difficultés "architecturales", certaines morphologies sont extrêmement contraignantes et entraînent des coûts qui sont dissuasifs, le prix de la rénovation étant supérieur à celui de la construction neuve. " Comptons 2000 à 2500 €/m2 en rénovation à Paris, contre 1600 à 1800 €/m2 en cas de construction ".
Ces coûts ne sont pas le seul frein. A Paris, dès que l'opération de restructuration dépasse 800 mètres carrés, il faut intégrer 20 à 30% de logement social. Cette obligation met en péril la viabilité de l'opération dans 85% des projets de restructuration d'immeubles qui sont étudiés.
Même son de cloche chez un membre de la Chambre des Experts immobiliers de France : "rénover un immeuble entier est beaucoup trop contraignant. La majorité des promoteurs ne donnent pas suite en raison de la part réservée au logement social".
Si transformer un immeuble entier de bureaux à Paris pour vendre les appartements est, à les écouter, rarement rentable, le rénover pour ensuite le louer en logement est une question presque incongrue. "Dans Paris, il n'y a aucune raison de le faire. La rentabilité est inférieure à l'immobilier commercial (2 à 2,5% pour les logements, contre 5,5 à 7% pour les bureaux) et les mesures comme le blocage des loyers constituent un frein psychologique".
Au-delà de la situation actuelle se pose la question du potentiel de bureaux mutables à l’échelle francilienne.Au second trimestre 2012, un peu plus de 500 000 m2 de bureaux de seconde main sont vacants depuis 4 ans et plus. Plus de la moitié de ces immeubles est localisée en grande couronne.
Eu égard à la maturité du parc, du volume important de bureaux construit depuis les années 1980 (plus de 20 millions de m2 SHON de bureaux ont été construits entre 1981 et 2000) et à l’impact accélérateur du Grenelle de l’Environnement sur l’obsolescence du parc tertiaire, un volume plus important de bureaux pourrait être, à l’horizon 2030, définitivement inadapté à la demande. Les estimations réalisées montrent qu’entre 140 000 et 240 000 m2 de bureaux par an pourraient être définitivement inadaptés à la demande du marché de bureaux.
Faciliter la transformation de bureaux en logement : Cécile Duflot à la manœuvre !
Le groupe de travail de l’ORIE avait formulé un certain nombre de propositions, et notamment sur le plan de l’urbanisme réglementaire. Cécile Duflot, la Ministre de l'Egalité des Territoires et du Logement, qui se disait en septembre 2012 dans une phase de diagnostic, est maintenant attendue sur ce sujet.
En effet, dans l’attente du projet de loi sur la réforme de l'urbanisme prévu d'ici l'été, la Ministre a présenté le 02 mai 2013 en Conseil des Ministre, le projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour lever certains freins à la construction de logements et favoriser la densification en zone urbaine.
Une ordonnance visera à favoriser la transformation de bureaux en logements dans les zones tendues comme l'Ile-de-France où il existe plus de 2,5 millions de m2 de bureaux inutilisés. Plusieurs dérogations aux règles de constructibilité fixées par les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) seront permises. Ainsi, la transformation en habitation d'un bâtiment existant affecté à une autre destination par reconstruction, rénovation ou réhabilitation sera autorisée même si ce bâtiment dépasse le volume maximal ou la densité maximale de construction fixée pour les logements et ne dispose pas des aires de stationnement prévues pour les logements. Une ordonnance est par ailleurs prévue pour limiter les obligations réglementaires en matière de places de stationnement. Dès lors que le projet immobilier est situé à proximité de transports collectifs, il ne pourra pas être exigé plus d'une place de stationnement par logement dans ces secteurs. ".
Quelles solutions pour Noisy-le-Grand ?
Rien qu’à Noisy-le-Grand, c’est environ 40 000 m2 de bureaux de seconde main, qui sont obsolètes, soit 10% de l’ensemble du parc. Cependant, nous sommes à même de comprendre que pour garder de la créativité, il faille poursuivre raisonnablement la construction de bureaux neuf sur la ville, afin d’offrir aux utilisateurs des bureaux répondant à l’ensemble des normes liées à la performance énergétique des bâtiments. Mais où ? Pas nécessairement sur Maille Horizon. Alors que fait-on ?
A Noisy-le-Grand, la résolution de l’équation : obsolescence, recyclage, démolition, reconstruction des bureaux de seconde main qui ne retrouveront plus de fonction sur Mont d’Est, se pose aujourd’hui à la Municipalité avec pertinence. Mais aucune vision n’est avancée dans le PLU.
Toutefois, ne tombons dans le fantasme de dire que la transformation de tous les bureaux en logements résoudra la crise du logement, puisque tous les bureaux ne sont pas transformables. Au mieux sur la ville, cela représentera 650 logements.
S’il existe vraisemblablement une partie du marché où la transformation est possible, alors il n’est pas interdit de réfléchir à d’autres opérations rentables sur le Mont d’Est, telles que des résidences de services pour personnes âgées, des résidences étudiantes avec le Cluster Descartes, ou encore des hôtels de tourisme puisque la proximité d’Eurodisney est une opportunité commerciale favorable.
Pour les autres situations, c'est-à-dire les « bureaux planqués », il est quasiment certain que les experts démontreront lors d’une analyse de faisabilité économique que, pour une ville de seconde couronne, une opération de restructuration de bureaux en logements entrainera des coûts dissuasifs. Ce sera d’autant plus vrai, qu’il faudra intégrer 30% de logements sociaux comme le mentionne le règlement du PLU de Noisy-le-Grand. En conséquence, la seule alternative face au solde des immeubles de bureaux obsolètes est la démolition complète suivie d’une reconstruction en bureaux neufs. Et ainsi redonner de l’attractivité au pôle tertiaire. Reconstruction en lieu et place sur le Mont d’Est, en suivant par exemple les préconisations de l’Architecte Michel Macary, qui suggère généralement la construction d’immeubles mixtes : bureaux-logements et même commerces.
Aujourd’hui, la Municipalité ne se pose pas le problème, parce que c’est dérangeant. Ceci étant, il faudra un jour envisager quand-même un autre scénario qui demandera une certaine volonté politique des élus, et présentera l’avantage de retrouver un gisement de milliers de m2 de foncier constructible pour de la production neuve, à proximité des Transports Collectifs, sans éradiquer le quartier pavillonnaire des Bas-Heurts.
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Contribution bibliographique :
- Conférence du SIMI, le 06 décembre 2012 : L’obsolescence des bureaux, gisement pour le logement ? ORIE -Fondation Palladio – RICS.
- Les cahiers de l’ORIE n° 29, Février 2013.
- Synthèse de l’étude : La transformation et la mutation des immeubles de bureaux de l’ORIE- Colloque annuel du 14 février 2013. Olivier de la Roussière, Président de Vinci Immobilier et Philippe Lemoine, Directeur général de Silic.
- Le Monde du 29 janvier 2013, Frédéric Cazenave : Des bureaux qui restent vides, sur fond de crise du logement.