Décès de l'architecte Ricardo BOFFIL
MORT DE RICARDO BOFFIL,
L’ARCHITECTE
QUI VOULAIT CHANGER
LA VILLE DE NOISY-LE-GRAND.
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Ricardo BOFFIL, 82 ans, est décédé le vendredi 14 janvier 2022 à Barcelone de complications liées à la COVID-19. Madame le Maire Brigitte Marsigny a diffusé un bel hommage sur son mur facebook.
Sa vie, son œuvre
Né le 5 décembre 1919 à Barcelone d’un père Catalan, déjà Architecte et d’une mère Vénitienne. Ricardo BOFFIL l’anticonformiste a entamé ses études en 1957 à l’École d’Architecture de Barcelone. Membre du mouvement intellectuel, la gauche divine, il en est exclu pour militantisme antifranquiste et poursuit ses études à Genève (il reviendra à Barcelone après la mort de Franco en 1975).
À ce moment-là, il installe son agence, le « Taller de Architectura » et son lieu de résidence dans La Fabrica, une vielle cimenterie des années 1920 de la périphérie de Barcelone, qui rassemble aujourd’hui 150 personnes de 25 nationalités.
Célèbre Architecte, Ricardo BOFFIL a signé plus de mille projets dans le monde entier. Il était particulièrement renommé en France, du quartier Antigone de Montpellier aux imposants espaces d’Abraxas pour Noisy-le-Grand dans les années 1980.
Construit pour répondre à la demande croissante en logements, ce lieu utopique et atypique, initialement conçu pour mélanger les populations et devenir une cité idéale, s’est révélé difficilement vivable car jugé comme inhumain, voire carcéral. Preuve que déjà à l’époque, la mixité sociale n’a pas marché.
Ricardo BOFFIL avait une maîtrise incroyable de la préparation du béton coloré et a beaucoup collaboré avec Bouygues Construction.
Moins connue, la Place de Catalogne à Paris, derrière la Tour Montparnasse. C’est le Maire de Paris, Jacques Chirac qui, voulant rendre hommage à la Catalogne, confia au charismatique Ricardo BOFFIL l’aménagement de cette vaste place. Ce dernier, voulant théâtraliser la ville, imagina 574 logements dont 400 à titre social dans un ensemble strict, uniforme et perçu aujourd’hui comme la place la plus controversée de Paris.
Ricardo BOFFIL et Noisy-le-Grand.
Les Espaces d’Abraxas, construits entre 1978 et 1983 à Noisy-le-Grand devaient incarner une alternative aux grands ensembles de logements de l’après-guerre, considérés depuis la seconde moitié des années 1950, comme peu conformes aux aspirations des habitants. Dans un espace restreint, l’architecte espagnol a imaginé une « utopie » fermée et constituée de 610 logements répartis dans trois bâtiments de béton rose à l’architecture néoclassique.
Ses icônes sont « Le Théâtre », propriété privée en forme d’hémicycle, « l’Arc », qui trône au centre et le « Palacio », la partie sociale du site. Cet ensemble fou fascine toujours les metteurs en scènes à la recherche de décors du jour d’après comme ce cinéaste Américain qui y tourna son film « Apocalyptique Brazil » en 1985.
Le 08 Février 2014, dans une interview au PARISIEN Ricardo BOFFIL avouait que son projet unique avait pâti du manque d’esprit communautaire, les populations ne s’étant pas mélangées.
À l’époque, il se disait qu’il fallait y faire vivre au maximum 20% d’immigrés afin de réussir réellement à mélanger les populations. Cela n’a pas été appliqué. Il aurait été intéressant de revisiter cette analyse à la lumière des problématiques sociétales d’aujourd’hui….
Finalement, c’était pour lui une expérience unique qu’il ne répétera jamais car il avait vu les difficultés que cela entrainait disait-il à l’époque.
Ceci étant, Michel PAJON a eu pour projet sous ses mandatures de démolir cette œuvre. Heureusement, les élections municipales de 2015 ne lui ont pas laissé le temps d’accomplir son forfait, ce qui aurait déclenché un tsunami mondial dans le domaine de l’Architecture.
À cela, Ricardo BOFFIL répondait que démolir serait un manque de culture. Ce serait une aberration, comme si on démolissait la Cité radieuse construite par Le Corbusier à Marseille entre 1947 et 1952.
Aussi, dès juillet 2008, le Président de l’ADIHBH-V avait pris contact avec Ricardo BOFFIL pour l’informer des velléités de Michel Pajon. Évidemment, l’architecte espagnol était bien décidé à faire valoir ses droits en tant que propriétaire intellectuel de cette œuvre architecturale.
Lire le courrier de Ricardo BOFFIL, en date du 09 juillet 2008.
Cliquer ici :
Les Espaces d’Abraxas en 2022
Ricardo BOFFIL a toujours revendiqué qu’il n’avait pas pu terminer son projet de Ville nouvelle à Noisy-le -Grand. C’est alors que la nouvelle édile Brigitte Marsigny entre dans la danse en 2019 en venant au secours de son ami des plus précieux et, seule, sans concertation, lui propose le marché d’édifier 600 nouveaux logements supplémentaires sur Abraxas afin de consolider sa forteresse déjà bien encombrée, il s’agit des « Jardins d’Abraxas ».
Mais voilà, si jadis, Ricardo BOFFIL a eu une grande histoire avec la France en nous plongeant dans le postmodernisme en étant un pionnier de l’esthétique constructive avec des escaliers qui se chevauchent, des balcons impossibles et des séries infinies de patios, il ne nous semble pas du tout évident aujourd’hui que cette extension des « Jardins d’Abraxas » soit un ensemble exceptionnel qui figurera demain dans les encyclopédies de l’Architecture et du Patrimoine et déplace de nombreux étudiants et professeur en École Supérieure d’Architecture.
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Contribution bibliographique :
- Le FIGARO du samedi 15 janvier 2022 – Valérie DUPONCHELLE – BEATRICE DE ROCHEBOUËT,
- Le PARISIEN du 08 février 2014 – Elvire CAMUS.
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