Le travail à distance influera t-il sur la construction de bureaux ?
TRAVAIL A DISTANCE :
QUELS IMPACTS
SUR LE PARC DE BUREAUX
EN ILE-DE-FRANCE ?
______
Nous présentons les résultats de la dernière étude de l’Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise (ORIE) [0] : « Travail à distance : quels impacts sur le parc de bureaux ? » qui ont été publiés dans un communiqué de presse [*] à l’occasion du traditionnel Colloque annuel de l’ORIE, le 10 février 2015, à Paris, dans l’auditorium de la Fédération Française du Bâtiment.
Ce colloque réunit chaque année les décideurs publics et privés de l’immobilier et de l’aménagement de l’Ile-de-France afin de faire partager les travaux de l’ORIE et leur vision du marché immobilier et de l’aménagement francilien.
Le travail à distance, mesure d’accompagnement.
Le travail à distance, qui recouvre les pratiques de télétravail et de nomadisme, est souvent cité comme une des solutions aux maux actuels de la société : déséquilibre vie privée / vie professionnelle, dégradation des déplacements, réduction des coûts immobiliers, (re)dynamisation des territoires. Malgré toutes ces bonnes intentions, le travail à distance reste un sujet qui resurgit à chaque crise économique. Aujourd’hui encore, le travail à distance est, le plus souvent, une mesure d’accompagnement lors du déménagement d’une entreprise, qui pour des raisons de coûts (l’immobilier est le 2ème poste de dépenses pour les entreprises de services) opte pour une implantation plus éloignée des centres urbains.
Le travail à distance, vers une évolution structurelle des modes de travail ?
La pratique du travail à distance est liée à plusieurs facteurs : contexte économique, recherche de productivité et de bien-être pour les salariés, évolution des modes de vie et de travail, situation du logement, conditions de déplacements, prise de conscience environnementale, révolution technologique.
Néanmoins, les problématiques de logement et de mobilité auxquelles sont confrontées aujourd’hui les grandes métropoles influent particulièrement sur les modes de travail. 1/3 du nombre des déplacements des Franciliens est consacré au domicile / travail, ce qui représente 50% de leur budget temps de déplacements. Pour se rendre au travail, ils consacrent en moyenne 41 minutes tous modes confondus, ce temps monte en moyenne à 55 minutes en transports en commun (soit 7 minutes de plus qu’en 2011) [1].
En parallèle, les modes de vie évoluent. L’ « à-côté » du travail se renforce faisant croître la mobilité. L’équipement et l’usage des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) explosent en parallèle d’un effondrement du coût des communications. 94% des Franciliens ont un téléphone portable. 58% possèdent un smartphone. 45% naviguent sur Internet avec un smartphone. Chaque salarié compte en moyenne 2,45 outils mobiles. 55% utilisent un smartphone et 63% utilisent un ordinateur portable pour travailler. Et le rythme ne devrait pas ralentir au vu du comportement des 18-24 ans : 75% sont équipés d’un smartphone, 78% naviguent sur Internet via leur mobile, 66% consultent leurs mails depuis un mobile [2].
Avec ces évolutions, 45 à 65% des bureaux seraient inoccupés en permanence [3]. Jusqu’à 17% des actifs pratiqueraient le travail à distance dont 33% seraient sous avenant au contrat de télétravail [4].
Pour autant de nombreux freins subsistent encore : juridiques, techniques, économiques, comportementaux, etc.
Demain, une explosion des lieux de travail ? Ou pas ?
Aujourd’hui, 180.000 à 510.000 actifs franciliens pratiqueraient actuellement le travail à distance en Ile-de-France, ce qui représenterait entre 700.000m² et 2 Millions de m² de bureaux inoccupés en permanence, soit entre 1% et 4% du parc de bureaux franciliens.
Au vu du nombre marginal d’actifs concernés, du rythme moyen d’un jour par semaine de travail à distance, des temps longs de mise en oeuvre et d’appropriation par les collaborateurs, du principe de réversibilité, etc. ces surfaces inoccupées ne seront pas libérées pour autant. Généralement, elles sont réutilisées pour coller davantage aux besoins des usagers salariés : salles de réunions, espaces de travail collaboratif, etc. Le parc de bureaux en tiers-lieux [5] représenterait entre 36.000m² et 102.000m², concentrés à 90% à Paris ou en première couronne
A l’horizon 2030, selon les hypothèses retenues de croissance du PIB, des emplois, etc., entre 620.000 et 800.000 actifs franciliens occupant du bureau pourraient travailler à distance. Par conséquent, 2,5 à 3,2 Millions de m² de bureaux pourraient être inoccupés en permanence, soit environ 5% du parc. 31.000 à 40.000 pourraient travailler en tiers-lieux. 125.000m² à 620.000m² de bureaux en tiers-lieux pourraient être nécessaires, soit entre 0,2% et 1% du parc de bureaux total.
Si on s’intéresse aux impacts sur la demande de bureaux, au vu de la croissance des emplois en Ile-de-France entre aujourd’hui et 2030, 18.000 à 52.000 nouveaux actifs pourraient travailler à distance. C’est donc 64.000m² à 190.000m² de bureaux qu’il pourrait ne pas être nécessaire de construire chaque année. 900 à 10.000 de ces travailleurs pourraient utiliser les tiers-lieux, ce qui représenterait un besoin de 3.000 à 40.000m² de bureaux en tiers-lieux entre aujourd’hui et 2030, le tout principalement en coeur d’agglomération et à proximité immédiate des principaux noeuds de communication routière et en transports en commun.
Donc pas de dispersion du parc de bureaux en Ile-de-France.
Question : Faut-il autant de bureaux à Noisy-le-Grand ?
À écouter le Maire de Noisy-le-Grand, le développement économique de la commune passe uniquement par la résolution de l’équation : Bureaux / Emplois / Logements. Avec cette étude sur le développement du travail à distance, l’ORIE introduit un nouveau paramètre que nous ne rencontrons jamais dans le discours municipal. Pas même tout dernièrement lors de l’Enquête publique sur le Contrat de Développement Territorial (CDT) Noisy-Champs qui aborde pourtant le développement économique des 15 prochaines années. C’est une lacune des Cabinets qui ont travaillé sur ce sujet.
À contrario, la Commune limitrophe de Neuilly-sur-Marne (93) est beaucoup plus sensible à cette innovation, et ne participera donc pas à cette escalade du marché des bureaux pour les prochaines années.
Toutefois, le télétravail n’est peut être pas la solution universelle à tous les problèmes de l’entreprise. Mais une pratique substantielle de cette méthode, avec un tiers du temps de travail et un tiers des salariés, demeure une solution très bénéfique tant pour la compétitivité des entreprises que pour la qualité de vie des salariés.
Au-delà de ces bénéfices « traditionnels », le télétravail est un sujet incontournable dans la mesure où il pose la question et il préfigure un nouveau contrat social, un nouveau rapport au travail et à l’entreprise, de nouvelles pratiques managériales et organisationnelles, en apportant aux entreprises une agilité suffisante.
Si on s’intéresse à ce nouvel impact sur la demande de bureaux, au vu d’une hypothétique croissance des emplois à Noisy-le-Grand entre aujourd’hui et 2030, il nous semble évident que la construction de 500/600.000 m² nouveaux bureaux ne sera jamais atteinte. Sans même parler de Champs-sur-Marne !
______
[0] - L’Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise (ORIE) est une instance d’échanges, de concertation et d’études, réunissant plus de 140 membres issus des différents métiers de l’industrie immobilière (Aménageurs, Promoteurs, Investisseurs, Utilisateurs, Conseils, Experts, Enseignants-chercheurs, Etat et collectivités locales). En 2015, l’ORIE poursuit ses réflexions notamment sur des thèmes de fond tels que l’approfondissement de la connaissance des parcs d’immobilier d’entreprise (entrepôts, commerces, etc.) tant sur les plans quantitatifs que qualitatifs (âge, taille des immeubles, etc.), la simplification des normes, la fiscalité et l’immobilier réversible.
[1] - Toutes ces statistiques sont issues de l’Enquête Globale Transports 2010, DRIEA-STIF.
[2] – Toutes ces statistiques sont issues du CREDOC, La diffusion des TIC dans la société française 2014.
[3] – Source Mobilitis
[4] – Source Tour de France du Télétravail
[5] – Né d'une approche sociologique de nos territoires, le concept de « tiers lieu » se développe en France et dans le monde. Ils sont destinés à être des espaces physiques ou virtuels de rencontres entre personnes et compétences variées.
[*] - Pour plus d’informations, contacter :
Faustine Le Bourg
01 40 61 86 47