La concertation, pour négocier la ville et la cité
CONCERTATION ENCORE, POUR NEGOCIER
LA VILLE ET LA CITE
Illustration : JM Ucciani - site : www.ucciani-dessins.com
Lorsque l’on aime, on ne compte pas, alors enfonçons le clou ……
La ville est une unité urbaine. Si la ville est un corps, la cité en est le système nerveux vital. JJ Rousseau écrivait : « si ce sont les maisons qui font la ville, ce sont les citoyens qui font la cité ». La ville regroupe sur un territoire donné, des hommes et des femmes et leurs activités, autour d’un projet commun, celui de vivre ensemble.
A la lumière des nouveaux défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés, Gilles-Laurent RAYSSAC [1] nous démontre ci-après qu’il est nécessaire de négocier à la fois la ville, c’est-à-dire les espaces et les flux, et la cité, donc les règles et les usages, en mobilisant, au-delà de la négociation, les ressources de la concertation.
La concertation, pour négocier la ville et la cité
C’est dans ce contexte que nous devons modifier notre approche du bien commun et les modalités de prise de décision. Or, pour y parvenir, nous devons être capables de « penser la ville ensemble », c’est-à-dire ne plus considérer qu’une seule catégorie d’acteurs ou qu’une seule élite sont capables de définir ce que seront « les conditions du vivre ensemble » aujourd’hui et surtout demain. Autrement dit, négocier la ville et négocier la cité revient à reconsidérer le rôle de chacun des acteurs de la cité dans cet exercice politique majeur qu’est la définition de la ville demain. Cela concerne les élus, les techniciens, les experts et les utilisateurs de la ville, ceux qui y habitent, y travaillent ou y trouvent leurs loisirs.
Si la ville est une production réalisée à un moment donné, c’est bien la cité qui la fera vivre dans la durée. Le réaménagement d’un quartier, par exemple, ne peut se limiter à une réflexion sur les équipements ou la forme du quartier : la discussion, avec les habitants, doit porter sur les valeurs liées au territoire considéré, sur les fonctions attendues, sur les usages que l’on souhaite y développer, etc. Ces usages, valeurs et fonctionnalités doivent être pensés à la fois pour aujourd’hui et pour demain parce que toute action dans ce domaine entraîne des investissements très lourds : les décisions ont une inertie importante. En revanche, si l’on limite la discussion publique à la dimension technique des réaménagements, l’expérience montre que, peu à peu, les non spécialistes sont exclus de la discussion (s’ils y ont été invités) ou sont relégués à l’évocation de questions subalternes comme la couleur des bancs publics.
Pour éviter ce désenchantement démocratique [2], il est nécessaire de mettre en œuvre des processus de concertation efficaces qui doivent présenter deux caractéristiques majeures. Ils doivent être adaptés à l’objet qui les motivent et ils doivent faire l’objet d’une méthodologie précise : un processus de concertation ne peut se résumer à quelques réunions publiques plus ou moins bien animées et vaguement préparées.
Un processus de concertation nécessite une délibération, c’est-à-dire un échange raisonné d’arguments qui s’influencent les uns les autres pour conduire à la formation de jugements. Pour cela, il est nécessaire, avant de démarrer la concertation, de déterminer concrètement l’objectif de la discussion et de réaliser la cartographie de tous les acteurs qui ont un intérêt commun à l’objet de cette discussion ; on les appelle les parties prenantes. Bien entendu, cet intérêt commun peut s’exprimer de façon convergente ou divergente : c’est justement la délibération qui permettra de rapprocher les points de vue et mettre en lumière les dissensus [**] qui devront être tranchés. Pour qu’un processus de concertation soit efficace, il doit respecter trois règles fondamentales [3]. La règle de la double non spécialisation : ne pas organiser de débats uniquement entre spécialistes ou spécialisés sur un seul thème. La règle de la double finalité : la discussion publique doit produire de la connaissance et être tournée vers l’action. La règle de l’asymétrie [*] décisionnelle : tous ceux qui participent à la décision ont participé au débat ; tous ceux qui ont participé au débat ne participent pas à la décision. La partie prenante qui prend la décision est celle qui est reconnue comme légitime pour trancher les débats en dernier ressort et notamment les dissensus.
Ainsi donc, la ville négociée ne pourra l’être que si la cité l’est aussi, c’est-à-dire que si l’on accepte que cette négociation ne porte pas seulement sur la nature technique des questions mais aussi sur leur dimension politique essentielle, au sens premier du terme, qui seule permet d’introduire le temps long dans le temps court [***]. Et cela n’est possible que si la discussion se déroule dans un cadre méthodologique clair et rigoureux qui respecte les trois règles du débat public [3] afin que les parties prenantes, c’est-à-dire des acteurs qui ont pour intérêt commun l’avenir de la ville, puissent, dans le cadre de la cité, discuter ensemble d’un futur possible de la ville.
Gilles-Laurent Rayssac
Commentaire
En conclusion, nous reprendrons simplement quelques phrases de l’auteur, et chacun pourra les comparer à la méthodologie appliquée à Noisy-le-Grand :
- Négocier la ville et négocier la cité revient à reconsidérer le rôle de chacun des acteurs de la cité dans cet exercice politique majeur qu’est la définition de la ville demain,
- Cela concerne les élus, les techniciens, les experts et les utilisateurs de la ville, ceux qui y habitent, y travaillent ou y trouvent leurs loisirs.
- la discussion, avec les habitants, doit porter sur les valeurs liées au territoire considéré, sur les fonctions attendues, sur les usages que l’on souhaite y développer.
- la discussion publique doit produire de la connaissance et être tournée vers l’action.
Tout est écrit, voilà pourquoi le processus de concertation de la municipalité de Noisy-le-Grand est fantasmagorique. Comment voulez-vous accorder le la crédibilité à ces travaux sur le quartier des Bas-Heurts et ailleurs, puisque l’on voudrait bien externaliser les habitants présents, qui sont les seuls représentants du « mieux vivre ensemble », et que les futurs résidants ne sont pas connus.
Alors, concerter, mais avec qui, et pourquoi? Et bien seulement pour respecter le Code de l’Urbanisme. Pour le reste…..circulez, il n'y a rien à voir.
___
[1] Monsieur Gilles-Laurent Rayssac, Directeur du Cabinet Conseil Res publica [www.respublica-conseil.fr] a bien voulu nous autoriser à créer un lien avec http://www.respublica-conseil.fr/Negocier-la-ville-et-la-cite.html, qu’il en soit remercié. L’intégralité de cet article a été publiée, dans une version légèrement différente, dans la revue Techni.Cités, supplément au n° 134 du 8 septembre 2007, sous le titre : Que doit-on « négocier » : la ville ou la cité ?
[2] L’expression est de Pascal Perrineau, Le désenchantement démocratique, Monde en cours, éditions de l’Aube, 416 p., 2003
[3] Ces trois règles, leur fonctionnement et leur articulation sont développés dans G.L. Rayssac et C. de La Guéronnière, Guide de la concertation locale, pour une meilleure définition du « vivre ensemble » au niveau local, Territorial éditions, 156 p., 2006
[*] Asymétrie : Absence de symétrie,
[**] Dissensus : Divergence de sentiments,
[***] Introduire le temps long dans le temps court : Gilles-Laurent Rayssac précise : « la ville, c’est le temps long : le renouvellement du parc urbain, par exemple, est de l’ordre de 1%. En revanche, la cité, c’est le temps court : celui des usages, d’abord, qui évoluent de plus en plus vite au fur et à mesure que se diffusent les nouvelles technologies en tous genres. Mais aussi celui des règles : la vie urbaine conduit à faire évoluer les règles de plus en plus vite. »