Pourrait-on parler de clientélisme ?
RÉSERVE PARLEMENTAIRE :
LE CLIENTELISME PASSE
DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE
Le Député Michel PAJON, battu le 20 septembre dernier lors des élections municipales partielles annonce tout de go sur son compte facebook: « cette année j’ai décidé d’être encore plus transparent dans l’attribution des fonds dont je dispose dans le cadre de la réserve parlementaire ! »
Noiséennes Noiséens, devriez-vous comprendre qu’avant c’était moins transparent ?
Avouons que cette repentance nous interpelle !. La réserve parlementaire existe depuis l’ordonnance du 02 juin 1959 pour l’Assemblée nationale et 1958 pour le Sénat. Michel PAJON est Parlementaire depuis le 25 février 1996. Donc depuis cette date il a pu distribuer ces subventions d’Etat émanant de nos impôts. En 2014, Michel PAJON a distribué 130.000 € d’argent du contribuable, soit le maximum autorisé.
Sur cette somme, nous retrouvons en 2014, 83.589 € (75.000 € + 8589 €) (1) destinés à la mise en accessibilité de quatre groupes scolaires de la Commune (Conseils municipaux des 12 juin et 19 novembre 2014). Pour le reste il faut aller à la pêche !
Ici quelques précisions s’imposent. La réserve parlementaire est un ensemble de subventions d’État votées et modifiées en lois de finances initiales ou rectificatives. Ce sont, en 2014, 80,2 millions d’euros que les Députés se sont partagés et ont dirigé vers les bonnes œuvres de leur choix.
La réserve se répartit à 54 % vers des travaux aux communes et à 46 % vers des Associations, mais lesquelles ? Dans le meilleur des cas, les thèmes associatifs se répartissent entre la promotion du sport pour le plus grand nombre (8%), le soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle (8%) et le développement de la vie associative locale (3%).
Cette description est le côté éthique d’une bonne pratique. Mais voilà, la perversion étant de ce monde, peut aussi conduire au clientélisme. Historiquement, le clientélisme est la pratique qui permet à une personne disposant de richesses d’obtenir, moyennant des avantages financiers, la soumission, l’allégeance d’un ensemble de personnes formant sa « clientèle ».
Par extension, le clientélisme peut aussi désigner l’attitude politique d’une personne ou d’un parti qui cherche à augmenter le nombre de sa « clientèle politique » par l’octroi d’avantages injustifiés en échange d’un soutien futur, lors d’élections notamment.
Bien que le vote se déroule dans un isoloir, ce soutien est la manifestation d’une forme de solidarité, de dépendance, de relation « hiérarchique » ou, tout au moins, d’une « reconnaissance du ventre ». Cette pratique courante, pourrait consister à « acheter » les voix d’électeurs par divers moyens : subventions, obtentions d’emplois, facilités diverses……
Tout naturellement, le risque est grand de voir la pratique du clientélisme tomber dans les perversions de l’électoralisme qui caractérise de manière péjorative une orientation démagogique de la politique à l’approche d’une élection, où l’on prend soin de flatter l’électorat en fonction du gain électoral escompté et de masquer les aspects désagréables des réalités communales. Plus précisément, cela désigne l’attitude, le discours, les méthodes d’un homme, d’un parti ou d’une autorité politique ayant pour seul objectif de recueillir le maximum de suffrages ou de remporter une élection.
La réforme de Claude Bartolone.
Dès son élection à la Présidence de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone a souhaité mettre fin à l’opacité totale de ce dispositif en faisant en sorte que la réserve parlementaire réponde à des règles d’équité et de transparence. C’est ainsi, pour la première fois, qu’a été mis en ligne à la fin du mois de janvier 2014 le tableau retraçant l’utilisation de la réserve parlementaire en 2013. Cette décision a été étendue aux deux assemblées dans la loi relative à la transparence de la vie publique.
L’Assemblée nationale a publié le jeudi 12 février 2014 (2), la distribution par député de la réserve parlementaire pour l’année 2014. Enveloppe autrefois répartie arbitrairement entre certains parlementaires, son fonctionnement est désormais mieux organisé. Et sa publication s’est institutionnalisée.
L’examen du tableau (3) ci-dessous nous apporte des indications sur les fonds attribués par Michel PAJON en 2014. En cliquant sur chaque ligne nous visualisons le détail des affectations poste par poste.
La Cour des comptes déplore les dérives clientélistes
de la réserve parlementaire
À ces crédits, que reproche la Cour des comptes, après avoir analysé plus de 60 000 subventions attribuées entre 2006 et 2012 et réalisé un examen approfondi de 550 dossiers ?
Certes, elle salue l’effort récent de transparence à posteriori avec la publication des montants et des destinataires.
Mais elle note que les Préfets, théoriquement tenus de contrôler, se retranchent derrière la décision d’affectation du Ministre pour ne pas procéder à l’ensemble des contrôles nécessaires avant l’octroi effectif de l’aide.
Simple clientélisme
La Cour des comptes déplore la dérive qui s’est opérée sur l’emploi de ces aides, initialement destinées à soutenir les collectivités en difficultés financières graves à la suite de circonstances anormales. La lecture des subventions accordées en 2013 et 2014 montre qu’une grande partie est consacrée à un saupoudrage au profit d’associations locales, sans plus d’explications qu’au titre du fonctionnement, ce qui relève du plus simple clientélisme.
Ces aides bénéficient en outre, relève la Cour des comptes, à des collectivités au potentiel financier largement supérieur à la moyenne ou disposant de marges fiscales non mobilisées.
Les vérifications de la Cour sur 550 dossiers ont montré que, parmi eux, plus de 40 % ne comportaient pas toutes les pièces justificatives requises, portaient sur des dépenses inéligibles ou auraient dû appeler une instruction plus approfondie des services de l’Etat sur leur conformité, indique la Cour des comptes, qui s’interroge sur le caractère d’« intérêt général » de bon nombre d’investissements.
Procédure peu efficiente, règles inégalement appliquées, subventions se substituant à des financements qui auraient dû normalement être budgétisés, absence de coordination des différents dispositifs d’aide de l’Etat et, de plus, gestion coûteuse avec un coût plus de deux fois et demie supérieur à celui de la gestion de la dotation d’équipement des territoires ruraux …, le moment est venu de s’interroger sur l’utilité de cette forme d’aide à l’heure où l’Etat est conduit à revoir ses formes d’interventions financières dans les territoires », conclut la Cour des comptes.
Supprimer cette pratique.
Mais aucune règle n’entoure le dispositif, et si les députés favorisent souvent des projets dans leur circonscription, rien ne leur interdit de franchir la ligne jaune…
Malgré la transparence accrue, les critères d’attribution restent flous, prêtant le flanc aux accusations de clientélisme. Pour régler en partie ce problème, une Députée du Calvados, apparentée ‘Ecologiste’, a choisi depuis son élection en 2012 de confier la répartition à des électeurs de sa circonscription tirés au sort parmi des volontaires, et de « garantir ainsi aux citoyens qu’il ne s’agit pas de clientélisme. »
Il faudrait totalement supprimer cette pratique. Mais comme la réserve n’est pas encadrée par la loi, on ne peut faire un amendement pour proposer sa suppression.
Les assauts répétés de quelques Députés et de la Cour des comptes n’auront pas la peau de la réserve, installée dans les pratiques des parlementaires, qui en font même parfois un argument prés ou post électoral. C’est une vieille ficelle…
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(1) - Le Vrai Journal de Noisy ne retrouve pas dans le tableau retraçant l’utilisation de la réserve parlementaire 2014, la somme de 8589,00 € attribuée en Conseil municipal le 19 novembre 2014, pour la mise en accessibilité le Groupe Scolaire Van-Gogh !
(2) - www.assemblee-nationale.fr , rubrique : répartition de la réserve parlementaire
(3) - http://www2.assemblee-nationale.fr/reserve_parlementaire/plf/2014?idDemandeur=2317&typeTri=dest