VIDEOSURVEILLANCE ET ESPACES PUBLICS,
POUR QUOI FAIRE ?
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Lors du Conseil Municipal du 29 mars 2007, la Commune de Noisy-le-Grand avait proposé de mettre en place un dispositif de vidéosurveillance de certaines voies publiques, ainsi que des abords des bâtiments publics communaux sur l'ensemble du territoire communal (*)
Cette démarche s'inscrivait dans les objectifs suivants :
- prévenir les actes de délinquance,
- assurer la protection des personnes et des biens,
- permettre l'assistance aux personnes en situation de détresse sur la voie publique,
- répondre aux demandes sociales en matière de prévention et de tranquillité publique et favoriser ainsi le sentiment de sécurité des habitants.
Par ailleurs, en Seine-St-Denis, sur 1,2 millions d'euros octroyés par le Fond Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD), les deux tiers ont été consacrés en 2007 à la vidéoprotection. Ils ont permis de financer 21 dossiers dans 16 communes dont Clichy sous Bois, Montreuil, Pavillons sous Bois, Noisy-le-Grand, Aubervilliers et Drancy.
Pour quels résultats ? Ici, en fonction des sources, les informations divergent.
Pour certains : « Les attaques à main armée, autrement dit les braquages, ont augmenté de 21,15% en 2008, soit 6 points de plus que la moyenne nationale, alors que la délinquance générale continue de baisser ».
Pour d'autres : « La Préfecture de Seine-St-Denis a connu en 2008 une augmentation de plus de 7% des crimes et délits (vols à main armée, vols de scooters ou de voitures, cambriolages ou encore infractions sur la législation des stupéfiants ». En ce qui nous concerne, nous nous appuierons tout simplement sur les statistiques officielles « Géographie des Crimes et Délits enregistrés en 2008 » publiées par le Ministère de l'Intérieur sur son site www.inhes.intérieur.gouv.fr, soit pour la Seine-St-Denis :
- atteintes aux biens : - 5,3%
- vols : - 7,4%
- destructions et dégradations : + 1,9%
- atteintes volontaires à l'intégrité physique : - 2,9%
- violences physiques non crapuleuses : + 3,2%
- violences physiques crapuleuses : - 6,1%
- menaces de violences : - 4,9%
- violences sexuelles : + 6,4%
- infractions à la législation sur les stupéfiants : + 14,1%
Ceci étant, la Seine-St-Denis présente le Taux National le plus élevé en ce qui concerne les:
- destructions et dégradations : 15,6%
- atteintes volontaires à l'intégrité physique : 18,7%
- violences physiques non crapuleuses : 7,8%
- violences physiques crapuleuses : 7,8%
A ce jour, ces statistiques applicables à la Ville de Noisy-le-Grand ne sont pas connues du « Vrai Journal de Noisy-le-Grand» (**)
En fait, plébiscitée par une grande partie de la population, la vidéosurveillance est devenue, pour bon nombre de municipalités, un élément central de lutte contre la délinquance et un moyen incontournable pour assurer sur l'espace public, la sécurité en ville. Reste que l'efficacité de ce moyen n'a pas été vraiment prouvée et que l'on ne sait pas mesurer aujourd'hui les capacités préventives et/ou répressives de ces équipements. Cette absence d'évaluation en France, comme la faible diffusion d'études conduites Outre-Manche, est d'autant plus dommageable que l'outil est coûteux et non sans risque pour les libertés individuelles.
Pour répondre à ce manque, le très sérieux Institut d'Aménagement et d'Urbanisation d'Ile de France (IAURIF) a réalisé un état des lieux des évaluations menées en France et à l'Etranger sur ce sujet (Etude n°20.08.02, d'octobre 2008, www.info@iau-idf.fr). Plusieurs constats sont à noter :
1- Les usages que l'on fait de la vidéosurveillance sont, très différents des objectifs de départ. Initialement utilisée pour la surveillance de l'espace public, l'extérieur des bâtiments ou le trafic routier, de nouvelles finalités apparaissent, comme la détection des Sans Domicile Fixe, la gestion des manifestations, la surveillance des fuites et du vieillissement des équipements. La multiplication des usages en fait 'une machine à tout faire' et limite son impact.
2- L'efficacité dissuasive de la vidéosurveillance est très variable selon le type d'espace et de faits. Elle n'a aucun effet dans les espaces étendus ou complexes ainsi que sur les délits impulsifs et ceux commis par des personnes sous l'emprise de drogues. Elle est peu contraignante pour les délinquants qui adoptent des mécanismes de dissimulation et s'adaptent à l'outil.
3- Elle est de peu d'influence sur les atteintes aux personnes. Son peu d'efficacité en matière de prévention de la délinquance tend à en faire un outil essentiellement destiné à aider à la résolution des délits !
S'il fallait encore faire la démonstration qu'une caméra n'empêche pas de nuire à Noisy-le-Grand, nous vous renvoyons à la lettre que le Maire a rendue publique dans le quartier du Pavé Neuf, le 08 janvier 2009.
Quoi qu'il en soit, portée par un marché de la sécurité florissant et valorisée par les politiques de l'Etat, cette technologie s'impose en France. Aussi, là encore, si nous faisons référence à un article précédant, la réflexion menée sur l'Intérêt Général / l'Intérêt Particuliers reste d'actualité !
Si nous pouvons être favorable à la vidéosurveillance dans des espaces publics fermés, tels que les parkings souterrains par exemple, cet outil n'est manifestement pas la réponse à tous les problèmes de criminalité. On pourra toujours mettre des caméras partout, pour cela dépenser des millions, sans jamais répondre au sujet essentiel qui nous préoccupe, c'est-à-dire assurer la tranquillité des citoyens dans nos différents quartiers.
Pour tenter de réaliser un tel objectif, il faut aussi de la présence humaine dans les quartiers. La mise en place à Noisy-le-Grand des « Arpenteurs urbains » fut une bonne initiative. La présence de la « Police de proximité » dans les cités en était une autre, malheureusement cette politique fut jadis abandonnée. Aujourd'hui, si nous en croyons l'allocution du 14 janvier 2008 de Madame Michelle Alliot-Marie, sur la cohésion pour la Seine-St-Denis, nous nous dirigerions vers des « Unités territoriales de quartier », c'est-à-dire des policiers davantage présents sur le terrain. Pour ces agents, plusieurs semaines de stage d'adaptation avant la prise de poste seront mises en place. Il s'agira d'abord d'améliorer leur connaissance des quartiers, de consolider la cohésion Police/Population. Ce sera l'occasion pour les Maires, d'expliquer la géographie et la sociologie de leurs Communes. Pour les autres acteurs de la vie locale (élus, gardiens d'immeubles, agents municipaux, chefs d'établissements scolaires, associations...) de rencontrer ces jeunes policiers nouvellement arrivés dans le Département, de partager leur connaissance du terrain. Enfin ce sera l'occasion de tisser les premiers liens Police/Population de la chaîne de la sécurité, au plus près des réalités, sur le terrain.
Enfin nous terminerons en disant que l'efficacité de la Police de quartier sera encore meilleure, si le Ministère concerné travaille à la fidélisation des Agents expérimentés de Seine-St-Denis. En 2005, les 4300 fonctionnaires du 93 étaient constitués de novices, tout juste sortis de l'Ecole de Police. Les deux tiers des effectifs avaient moins de cinq ans d'ancienneté. Les gradés sont mutés en Province... car la plupart des fonctionnaires n'aspirent qu'à une chose, partir ! En quatre ans, c'est l'ensemble du corps des gardiens de la paix qui était ainsi intégralement renouvelé. (source : L'EXPRESS.fr « 93, le n°1 de la violence » L Chabrun et R Rosso, le 10/11/2005)
Aujourd'hui, si l'on veut essayer de répondre à la criminalité de la Seine-St-Denis, compte tenu des lourdes difficultés économiques et sociales qui plombent ce Département, il ne faut pas seulement des 'gadgets technologiques'. Il faut aussi des hommes, des femmes, des Policiers de proximité opérationnels fidélisés. Pour cela, tenir compte de la vie quotidienne de ces fonctionnaires et de leur déroulement de carrière (carrière accélérée, reconnaissance de l'expérience professionnelle obtenue, budget, véhicules, logements, etc...). On dit que Madame Michelle Alliot-Marie va s'en occuper, ouf, il serait temps...
Alain Cassé
Le 07 février 2009
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(*) Pour mémoire rappelons que le PCF et les VERTS ont manifesté leur total désaccord sur l'implantation de la vidéosurveillance à Noisy le Grand. Le MODEM et l'UMP étaient favorables.
(**) Si un lecteur peut nous apporter des informations sur le taux de Crimes et Délits enregistrés en 2007 et 2008, à Noisy-le-Grand, nous sommes preneurs pour compléter notre enquête. Merci d'avance.
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