Faut-il construire en zone inondable à Noisy-le-Grand ?
FAUT-IL CONSTRUIRE
EN ZONE INONDABLE
À NOISY-LE-GRAND ?
Il y a exactement 100 ans, en janvier 1910, Paris se noyait. L’eau envahit le cœur de la Capitale et même au-delà, puisque une trentaine de Communes de la banlieue ont aussi été durement frappées. Du 18 au 21 janvier des trombes s’abattent sur le bassin de la Seine. Les affluents du fleuve : L’Aube, la Marne et l’Yonne sont en crue et leurs flots s’ajoutant à ceux de la Seine, foncent sur Paris qui constitue un goulet d’étranglement. Le 28 janvier, le pic maximun de 8,62 m est relevé au Pont d’Austerlitz.
Une exposition à la bibliothèque de la ville de Paris retrace cet incroyable évènement. http://www.paris.fr.
La prochaine et inévitable crue centennale plongera Paris et sa banlieue sous les eaux. 850 000 personnes seront touchées, le métro submergé. En effet, les dernières inondations catastrophiques en Europe ont « noyé » les records historiques et il n’est pas certain que les inondations occasionnées par un prochain dérèglement climatique ne dépasseront pas la côte de 8,62 m.
A Paris, depuis 2003, ce risque est pris au sérieux. Onze scénarios classés confidentiels ont été établis par la Préfecture, et actualisés cet été. Ils décrivent tous la catastrophe à venir. Les grandes institutions ont des plans d’actions pour sauver archives et réserves, mais les particuliers ignorent ce risque. C’est le syndrome de « cela n’arrive qu’aux autres ». Selon la Préfecture de Paris, 850 000 personnes en Ile-de-France seront directement touchées par les inondations. 508 communes seront sous les eaux, dont 31 sur plus de la moitié de leur territoire. Ce sera la pagaille, annonce Pascal Popelin, Président du conseil d’administration des grands lacs.
Si une crue lente ne fait guère courir de risques en vies humaines, les dégâts matériels prévisibles sont évalués à 12 milliards d’euros (hors effets induits sur l’économie) et les conséquences en termes de destructions patrimoniales sont incalculables. Selon la Préfecture de Police, tout le fonctionnement de l’agglomération serait bouleversé : coupures d’électricité, de gaz, de téléphone, interruption des réseaux de télécommunications et donc de nombreuses activités, contamination de l’eau au robinet, inondation d’un tiers du réseau du métro et de la ligne C du RER, perturbations du trafic SNCF et de la circulation automobile (fermetures de tunnels et de la moitié des ponts de Paris), pénurie de produits pétroliers, les terminaux de livraison étant inutilisables. Aujourd’hui, la RATP travaille avec des marchands de matériaux pour avoir accès à un grand nombre de parpaings, afin de construire des murs.
ET POURTANT...
D’après un récent rapport de février 2009 du Service de l’Observatoire et des Statistiques, entre 1999 et 2006, près de 100 000 logements ont été construits dans les zones inondables de 424 grandes communes (voir : Croissance du nombre de logements en zones inondables). Les terrains étudiés sont soumis à des submersions d’intensité et de fréquence variables, certains ne sont susceptibles d’être inondés qu’en cas de crues très rares et d’intensités exceptionnelles.
L’accroissement du nombre de logements dans ces secteurs provient de la pression démographique qui s’est répercutée dans les parcelles exposées comme dans les parcelles hors d’eau. Les nouvelles implantations en zones inondables ont contribué à densifier les territoires déjà urbanisés plutôt qu’à les étendre, préservant ainsi majoritairement les zones d’expansion des crues.
Mais la plus forte majoration du nombre de logements exposés aux inondations s’observe au sein du groupe 4 et concerne 13 % des 56 communes qu’il concentre. A lui seul, cet ultime groupe cumule, en effet, 74 000 logements exposés supplémentaires. Les communes en question se distinguent par leur grand nombre de logements, avec plus de 26 500 logements dans 50 % d’entre elles. A quoi s’ajoutent des secteurs inondables plus étendus et très densément construits.
Prises dans leur ensemble, les 424 communes totalisaient 1,45 millions de logements dans les secteurs inondables en 1999, au sein desquels résidaient 2,7 millions de personnes. Fin 2006, 100 000 logements supplémentaires vinrent s’ajouter à ces habitations, entraînant une hausse de 7 % en sept ans.
LES RISQUES EN SEINE-SAINT-DENIS
Les risques, les mesures prises et les informations préventives des communes de Seine Saint Denis, sont exposées dans le document : le risque inondation de la DDRM en Seine Saint Denis.
Le Dossier Départemental des Risques Majeurs (DDRM) comprend la totalité des Communes du Département soumises à un risque d’inondation, que la cause en soit directe ou indirecte. Ces Communes sont soumises à une procédure administrative de prévention des risques qui, au cours du temps, a pris les dénominations suivantes :
- Plan de Surfaces Submersibles (PSS),
- Code de l’urbanisme : article 111-3,
- Plan d’Exposition aux Risques (PER),
- Plan de Prévention du Risque d’Inondation (PPRI).
D’autres informations, sur le site de la Préfecture de Police : www.prefecture-police-paris.interieur.gouv.fr/documentation/dossiers/inondation.htm
ET NOISY LE GRAND ?
Noisy le Grand, tout comme Gournay-sur-Marne et Chelles sont victimes de toutes les crues de la Marne. Le 28 janvier 1910, l’eau atteignait la cote de 39,62 m au dessus du niveau de la mer à Gournay sur Marne. Depuis, les inondations se succédèrent en 1939, 1955, 1959, 1968 et 1983. (Voir l'historique des inondations de la Marne)
Néanmoins, aujourd’hui nous assistons impuissants, au fur et à mesure des modifications du PLU, à la poussée inéluctable des projets de constructions en zones inondables. Face à cette réalité, nous constatons que les mesures vont toutes dans le même sens et que la direction prise est très dangereuse.
Sachant que c’est l’Etat qui élabore et met en application des Plans de Préventions, par arrêté en date du 5 janvier 1999, le Préfet de la Seine-Saint-Denis a prescrit l’élaboration du Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) du bassin de la Marne. Ce PPRI, a notamment pour objet de délimiter les Zones exposées aux risques dites « Zone de danger » en tenant compte de la nature et de l’intensité du risque encouru, d’y interdire tout type de construction, d’ouvrage ou de prescrire les conditions de réalisation et d’exposition dans le cas où des constructions pourraient y être autorisées. Noisy-le-Grand est concernée par le risque d’inondation directe par débordement.
Le Préfet a transmis le projet de PPRI à la commune de Noisy-le-Grand, par courrier en décembre 2008, pour avis. Trois zonages, sur les quatre possibles ont été retenus à Noisy-le-Grand. Seuls les zonages « jaune », « orange » et « rouge » sont applicables.
Précédemment, un préalable avec la Préfecture et la DDE, avait conduit la Ville de Noisy-le-Grand à faire valoir l’enjeu majeur, à l’échelle supra-communale, que représentait l’aménagement des bords de Marne en termes de création de logements diversifiés, de développements économique et touristiques et de qualité de vie pour les citoyens… Ainsi, face à ce lobbying, deux projets, dans le secteur de la Rive Charmante et des Epinettes, avaient ainsi été pris en compte. Encore une fois, nous sommes bien dans cette démarche, la ville utiliserait des « faire valoir » pour faire aboutir ses projets urbanistiques…
Par ailleurs, ne se refusant aucun sacrifice, des études hydrauliques réalisées par la ville avaient permis de faire évoluer le zonage du PPRI de ces secteurs, initialement prévus en « zone rouge » dite d’expansion des crues, vers la « zone jaune », dite urbaine, en aléas forts et autres. Ce dernier zonage autorise une urbanisation limitée et raisonnée des secteurs de la Rive Charmante et des Epinettes, alors que la zone rouge précédente, d’une façon générale, interdisait toute nouvelle construction.
Finalement, c’est dans sa séance du 02 février 2009, que le Conseil Municipal a délibéré pour donner un avis favorable sur ce projet de PPRI de la Préfecture, assorti de réserves, dont certaines sont fondées, mais d’autres opportunistes du type : « La commune souhaite également que le projet de PPRI prenne en compte les objectifs du SDRIF . Celui-ci propose en effet de maîtriser et adapter l’urbanisation nouvelle, en particulier l’aménagement urbain renouvelé, en zone inondable. Tout en étant compatibles avec le risque d’inondation, des opérations innovantes de construction pourraient ainsi être développées dans ces zones, à titre de test ».(voir la délibération du CM du 02 février 2009).
Ainsi, la Municipalité admettrait bien que ses bords de Marne deviennent une zone expérimentale de constructions en zones inondables, moyennant vraisemblablement quelques subventions de la Région Ile-de-France. Cela aurait de l’allure. Nous pourrions voir aux entrées de la Ville : « Noisy le Grand, première Ville de l’Est Parisien les pieds dans l’eau ». Il semblerait même y avoir une cohérence avec la Marina et le Port de Plaisance de 120 anneaux !!!... Toutefois, nous ne saurions trop recommander aux futurs acquéreurs de bien ficeler le contrat Protection Juridique Inondation avec leur assureur.
Plaisanterie mise à part, ce sont bien ces mêmes Maires qui accordent les Permis de Construire en zones inondables qui, après une catastrophe exceptionnelle, sollicitent le Gouvernement en urgence, pour classement en « Catastrophe Naturelle », afin de faire en sorte que les Assurances remboursent les dégâts des citoyens dans l’heure. Electorat oblige !!!…. Et voilà comment, en 2010, les primes d’Assurance pour ce risque ont augmenté de 6 à 10%.....
C’est un fait, on continue à construire en zone inondable. L’actualité est pleine d’évènements catastrophiques. Leur multiplicité, leur fréquence accrue, le désespoir des populations sinistrées, meurtries parfois dans leur chair, font qu’ils sont souvent à la une des media.
Par ailleurs, la solidarité entre assurés au travers de l’assurance multirisque habitation, qui couvre les dégâts dus à l'inondation, de plus en plus fréquemment mise à l’épreuve avec des dommages extrêmement conséquents, finira par trouver ses limites un jour.
En effet, toute prime d'assurance est calculée à partir de différents critères, dont le plus important est la probabilité de survenance du sinistre pour lequel la couverture est conférée.
Mais, en matière de catastrophes naturelles, la probabilité de l’occurrence d’un événement devient extrêmement difficile à calculer : la fréquence des évènements ne cesse de s’accroître et leur importance aussi. Les raisons semblent à priori évidentes : ce sont la multiplication des constructions en zone inondable et le changement climatique. En effet c’est le croisement de l’aléa « crue » avec les enjeux qui crée le risque inondation. Or les zones à enjeux sont plus nombreuses. Et ce, quelles que soient les mesures, dispositions réglementaires, obligations prises par l’Etat. Nous assistons impuissants à la poussée inéluctable des constructions en zone inondable. Face à cette réalité, on ne peut que constater que les mesures vont toutes dans le même sens et que la direction prise n’est pas la bonne.
En toute chose, la prévention n’a jamais résolu le problème. La gestion des risques n’échappe pas à ce constat. Il faut s’attaquer à la cause. Or, il s’agit d’un problème d’aménagement du territoire et de financement des communes, dont la résolution nécessite des réformes importantes et nombreuses.
On comprend que les gouvernements successifs ne se soient pas attaqués à ce gros travail, car c’était une véritable révolution dans l’organisation du pays. Il semble plus aisé de prendre des mesures palliatives dont on connaît d’avance la faible utilité mais que l’on pourra utiliser comme faire valoir plutôt que de s’attaquer aux véritables raisons du problème inondation.
Pourquoi est-ce un problème d’aménagement du territoire ? Tout d’abord parce que la tendance mondiale est la création de mégapoles. Ces grands centres urbains sont consommateurs d’espaces au contraire des espaces ruraux qui eux se désertifient. Ce déséquilibre conduit à urbaniser des lieux traditionnellement inconstructibles : zones humides, marais, franges des cours d’eau, bords de mer, bordures d’étangs…
Pourquoi est-ce un problème financier ? Parce que la manne financière des communes provient en grande partie de l’arrivée de nouveaux habitants ou de l’installation de nouvelles entreprises. Le Droit de Mutation à Titre Onéreux (DMTO) [*], les taxes d’habitations, les taxes foncières, les taxes professionnelles via l’intercommunalité, alimentent les fonds communaux. Le financement des raccordements au réseau public des fluides alimente les budgets et c’est ainsi qu’on assiste à une course effrénée de recherche de nouveaux habitants pour financer les travaux en cours, sans penser qu’il faut multiplier ces réseaux…
1500 logements par-ci, 1200 logements par-là, voilà encore de vraies raisons de sur-densification que nous connaissons bien sur les Bas-Heurts ou sur le Clos d’Ambert. Mais ne comptez pas sur le Maire de Noisy le Grand pour vendre la mèche en Réunion Publique ou dans son programme électoral.
Il est urgent de repenser cette organisation financière : pourrait-on envisager que les fonds ne soient plus distribués aux communes mais à l’Etat qui organiserait leur redistribution au travers de sa dotation sur la base d’une gestion conforme au développement durable ? Maintien d’espaces naturels et agricoles, respect des zones à risques, prise en compte de la ressource en eau potable, espaces réservés à la gestion des déchets…
Finalement, si les mesures préventives sont utiles et nécessaires elles ne pourront intéresser les Elus que lorsqu’ils trouveront plus d’intérêt à résoudre les problèmes qu’à les créer.
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[*] Le Droit de Mutation à Titre Onéreux (DMTO) est un impôt indirect du lors de la transmission d’éléments de patrimoine. Ce droit est toujours supporté par l’acquéreur du bien. C’est l’un des taux d’imposition les plus élevés du monde, soit 5% du prix d’achat du bien avec, 1,2% pour la Commune ; 3,6% pour le Département et 0,2% pour l’Etat. En Seine Saint Denis, il correspond environ en moyenne à 130 €/hab. Son augmentation sur la période 2004-2007 fut de 44,6%.
Contributions biliographiques :
- Le Journal du Dimanche du 17 janvier 2010, M-AK,
- Le Journal 20 minutes du jeudi 21 janvier 2010, AS – MG,
- Commissariat Général au Développement Durable, n° 6, février 2009,
- Dossier Départemental des Risques Majeurs (DDRM), de la Préfecture de Police,
- Fédération Régionale des Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement du Languedoc-Roussillon
- Procès Verbal du Conseil Municipal du 02 février 2009
Pour en savoir plus :
Le centenaire de la crue donne lieu à de nombreux événements :
- « La grande crue de 1910, et aujourd’hui ? », au pavillon de l’eau, 77, av de Versailles, Paris 16e
- « La grande crue de 1910 » au Louvre des Antiquaires,
- « La croisière centenaire de la crue de 1910 ». Départ du Canal Saint Martin, arrivée dans le Marais.