LES LIMITES
DE LA POLITIQUE DU
« TOUS PROPRIETAIRE »
Les Français adorent la pierre. Les propriétaires immobiliers enregistrent une hausse de 158% sur 10 ans, contre 23% pour ceux qui ont investi en bourse sur la même période. Voilà de quoi galvaniser les propriétaires, que l’Insee recense de plus en plus nombreux. 58% étaient propriétaires de leur résidence principale en 2010, contre 55,7% six ans auparavant.
Chiffre plus révélateur, la part des propriétaires de logements locatifs a plus fortement grimpé encore, gagnant trois points en six ans, dans le cadre de l’investissement locatif du dispositif Scellier, qui offre une belle réduction d’impôt.
A Noisy-le-Grand, quelques promoteurs locaux se sont spécialisés dans ce dispositif, dans de petits programmes de 14 à 30 appartements. Y compris sur un périmètre d’étude proche d’une ligne de RER, pour 4000 à 4500 €/m², vous pouvez investir et ainsi engranger quelques revenus locatifs supplémentaires au moment de votre retraite. Nous connaissons quelques initiés qui prennent position, mais ici, ne cherchez pas une Habitation à Loyer Modéré……….
Toutefois, une « hirondelle fiscale » ne fait pas le printemps de l’immobilier pour ceux qui cherchent difficilement à se loger. Aujourd’hui, l’information est surabondante. Elle est très populaire mais parfois confuse. L’information des professionnels de l’immobilier peut être partisane, et un autre éclairage s’impose aux citoyens.
Faut-il acheter ou louer ? Voilà une question des plus récurrentes dans le domaine de l’immobilier. « Mieux vaut acheter que de louer, autrement c’est de l’argent jeté par la fenêtre ! » Ce vieil adage populaire prend ou non son sens avec la conjoncture…..
Si le rêve de devenir propriétaire est inscrit dans le code génétique hexagonal, aux prix d’aujourd’hui, la question d’acheter ou de rester locataire se pose légitimement pour les primo-accédants. Dans la majorité des cas, s’acquitter d’un loyer demande un effort financier moins important que de rembourser un emprunt sur 30 ans.
Propriétaire, oui, mais à quel prix ?
Si le Président de la République a clairement affiché ses ambitions dès le début de son mandat, à savoir faire passer le taux de propriétaires en France de 58% à 70% - la moyenne européenne- aujourd'hui la réalité est bien différente. En effet, dans un contexte de crise économique et face à une constante augmentation du prix de l'immobilier, il semble bien difficile à un grand nombre de Français d’accéder à la propriété. "La politique du 'tout accession' apparaît discutable car soumise aux mécanismes spéculatifs des marchés, inadaptée aux budgets des ménages modestes et peu compatible avec la réalité de l'accession à la propriété" dénonce le 16ème rapport annuel sur le mal logement de la Fondation Abbé Pierre. Il soutient que la politique du gouvernement a donné l'illusion aux ménages les plus modestes qu'ils pouvaient devenir propriétaires… alors que dans les faits ils n'en avaient pas réellement les moyens. En conséquence, ils se sont retrouvés dans une situation plus précaire que celle dont ils sortaient à peine. Le rapport souligne d'ailleurs que "l'accès à la propriété, quand il se réalise dans des conditions financières particulièrement tendues, peut être source de déstabilisation pour les ménages qui y consacrent une part trop importante de leurs revenus". Ainsi, si le loyer peut être payé ce sont souvent d'autres postes de dépenses qui doivent être réduits, et pas toujours les plus superficiels.
"Bien sûr, l'idée est formidable", admet la Fondation. "Mais c'est un leurre". Car malgré les aides fiscales en faveur des propriétaires, y compris les plus modestes, les inégalités se sont accentuées. Aujourd'hui, les propriétaires modestes sont bien moins nombreux qu'il y a plusieurs années. "37 % des 20 % des ménages les plus modestes sont aujourd’hui propriétaires de leur logement alors qu’ils étaient 47 % en 1988", écrit l’association dans son rapport.
La Fondation dénonce en fait le rêve vendu par le gouvernement, qui pousse les plus fragiles à acheter. Y compris avec peu d'apport et des mensualités qui dépassent largement le tiers des revenus, ou quitte à acheter plus loin de son lieu de travail, éloigné des centres, en zone rurale ou périurbaine. Ce phénomène entraîne des dépenses colossales en transports, et une vie toujours plus dure et plus compliquée. Les utilisateurs réguliers du RER A qui travaillent sur Paris ne nous démentiront pas, c’est épuisant !
Citons pour exemple le témoignage rapporté par Clément Fayol sur www.lepetitjournal.com. « On s'est dit : éloignons-nous de la ville pour trouver plus grand. Pour 800 € par mois, au même prix que notre loyer, on pouvait devenir propriétaire, ça valait le coup" témoigne Fabien, père de famille. Mais, seulement trois ans après avoir signé les papiers, la famille le regrette amèrement: "Le problème, c'est qu'on est dans le rouge tous les mois. On a mal calculé les coûts annexes" soupire Fabien. Car, en s'éloignant de la ville, la famille est certes devenue propriétaire, mais les dépenses consacrées aux déplacements, aux déjeuners mais aussi à l'entretien de la maison ont largement augmenté. Finalement, ils désirent revendre leur propriété.
"Il ne faut pas être propriétaire à n’importe quel prix" indique Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre. La durée et le montant de l’endettement se sont allongés à plus de 20 ans.
Malheureusement c’est une ‘fausse bonne idée’ : aujourd’hui, quel couple primo accédant, dans le monde actuel où la précarité de l’emploi et la fragilité des ménages sont à l’apogée, peut avoir une visibilité objective sur 30 ans ?
Invité de l’émission « C à dire » d’Axel de Tarlé le 30 mars 2011, à la veille de l’ouverture du salon de l’immobilier, Jean Pierre Petit, économiste et Président des « Cahiers verts de l’Economie » confirmait l’analyse précédente. Il affirmait dans cette interview que pour lui, la "société propriétaire" est un "mythe". A l’inverse, ce qui "a du sens micro-économique" est d’"améliorer ses conditions de logement". "Etre propriétaire en toute circonstance, à n’importe quel prix, quel que soit le cycle de vie des gens, n’a rigoureusement aucun sens. Ça n’a qu’un sens politique"… Et de renchérir : "Nous vivons en économie de bulles immobilières depuis vingt-cinq ans, qui est marquée partout dans le monde occidental par une évolution des valeurs patrimoniales plus fortes que celles des revenus", qui s’accompagne de "la baisse des taux" des prêts.
Concernant les aides gouvernementales à l’accession à la propriété, Jean-Pierre Petit rappelle que l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) vient de rendre un rapport qui mentionne que c’est inefficace, coûteux, et que ça ne change pas les données du problème du logement.
Se référant à l’expérience des "Américains qui ont acheté des biens immobiliers jusqu’en 2006, au moment où le marché s’est retourné" et qui depuis, ont vu "les prix immobiliers baisser de 50 %", l’économiste explique que cela "provoque une situation patrimoniale nette extrêmement tendue qui contraint financièrement pendant des années". "Il n’y a pas de miracle en économie : les bulles commencent quand vous commencez à croire qu’un prix d’un actif peut être Ad vitam æternam déconnecté de sa valeur fondamentale", avertit-il. "Ça fait quatorze ans que les prix de l’immobilier progressent en France", c’est à sa connaissance "le plus long de l’histoire", et en général, "la probabilité est que ça ira dans le sens inverse", un jour prochain….
Le parc locatif, un grand oublié !
Il s'agit là d'une critique parmi les plus fortes portées par la Fondation à l'encontre de la politique d'accession à la propriété. Le "tout accession réduit la diversité de l'offre" dit le rapport. Le droit au logement doit primer, selon lui, sur le droit au libre choix "de la modalité de logement". En effet, les difficultés rencontrées dans l'acquisition d'un logement, le prix de ce dernier font que l'accès à la propriété relève "plus du rêve que de la réalité" pour beaucoup. Dès lors, réduire le parc locatif ou, du moins, ne pas y consacrer les aides nécessaires, aura pour effet d'aggraver la crise du logement. De même, le crédo du "tous propriétaires" est battu en brèche par les auteurs. La propriété ne répond pas à tous les besoins ni à toutes les situations du ménage. Elle affaiblit la mobilité professionnelle des occupants et laisse le propriétaire à la merci d'un marché fluctuant.
Et si la propriété, était néfaste à la mobilité ?
De nombreux événements de la vie de chacun amènent régulièrement les ménages à changer de logement : quitter le domicile parental, s’installer dans une ville universitaire pour ses études, se mettre en couple, avoir des enfants, déménager suite à une mutation professionnelle, se séparer suite à un divorce, etc. La mobilité résidentielle fait partie intégrante des modes de vie de nos concitoyens.
Dans une société où les parcours personnels, familiaux et professionnels sont de plus en plus flexibles, changeants et complexes, impliquant des stratégies d’adaptation permanentes afin de sauvegarder son emploi, l’offre de logement doit pouvoir répondre à la diversité des situations de chacun. Une favorisation de l’accession à la propriété à la défaveur du marché locatif freine considérablement la mobilité résidentielle et professionnelle, c’est un non sens économique.
Contrairement aux discours du Maire, être un enfant de Noisy-le-Grand et vouloir décohabiter dans la commune ; habiter à Noisy-le-Grand et vouloir y travailler parce que j’y suis propriétaire de ma résidence relève tout simplement d’une idéologie archaïque. Aujourd’hui, le marché de l’emploi n’est pas celui-là, il est national, européen voire mondialisé. Paris s’est développé avec des décohabités bretons, auvergnats, savoyard et autres….
En conséquence, le parc locatif privé ou social est un des maillons essentiels de la fluidité des changements de résidence, car les coûts de transaction de la location sont beaucoup plus faibles que ceux nécessaires pour acquérir un logement. Le parc locatif répond naturellement aux besoins de logement temporaire, tandis que l’accession à la propriété répond plutôt à un besoin d’installation à long terme.
Enfin, on peut aussi louer sans pour autant jeter l’argent par la fenêtre. Le CREDOC vient de publier dans l’une de ses études que 31% des locataires le font par choix ; ils estiment que c’est plus rentable !
Et Noisy-le-Grand ?
L’examen du diagnostic de la ville de Noisy-le-Grand établi pour le PLU 2011, montre que le nombre de logements est d’environ 27 300. La commune a réalisé sur la période 1990 à 2005, 394 logts / an. Dans ce contexte, la production de logements locatifs sociaux régie par les plafonds de ressources sur la période 2005-2009 était de 494 unités (25%), se répartissant de la façon suivante : 263 au titre du PLUS ; 43 au titre du PLAI et 188 au titre du PLS. Sur la période récente 2005-2009, 13,35% de l’ensemble des logements produits était destiné à des ménages relevant des plafonds PLUS (70% des ménages) ; 2,18% relevant du PLAI (33,8% des ménages) et 9,54% du PLS (83,8% des ménages). Dans ce contexte, signalons que les logements sociaux éligibles au PLS, n’ont de social que l’appellation, puisqu’ils présentent des loyers inabordables pour les ménages modestes.
Le secteur libre privé représente 75% de la production, y compris avec le dispositif Scellier évidemment, pour le plus grand bonheur de la promotion immobilière.
En 2007, le parc de logements noiséen se composait de 28,4% de pavillons et de 69,8% d’appartements. Il comptait 53% de propriétaires pour 45% de locataires.
Dans le cadre de la Loi n° 2010-597 du 03 juin 2010 relative au Grand Paris l’objectif affiché est la production de 70 000 logts/an. Au titre du contrat de Plan Etat-Région 2007-2013, la commune de Noisy-le-Grand devrait assurer la construction de plus de 6500 logements.
Commentaire
Ce sera tout l’objet de l’Enquête Publique sur ce nouveau PLU en juin/juillet 2011, car si tous les Noiséens ont bien compris qu’il faut des logements, ils sont opposés fermement au bétonnage outrancier de la commune, tout comme l’était d’ailleurs le militant socialiste Michel Pajon dans son bulletin d’information : Le Noiséen Socialiste de décembre 1991 :
Petit florilège historique : « …Cette zone présentera la double caractéristique d'avoir un COS (coefficient d'occupation des sols) de 0,4 alors qu'il est de 0,3 dans toute la zone environnante, et permettra la construction de «petits collectifs», alors que l'ensemble du quartier est pavillonnaire ... C'est donc en sur densifiant les constructions dans un quartier et en réduisant les espaces verts que l'on crée une «coulée verte» ? De qui se moque-t'on ? Quand on se souvient que F.RICHARD s'est faite élire sur le slogan «Halte au béton» et que l'on regarde le Noisy d'aujourd'hui, on peut se demander si nous n'avons pas tous été collectivement les victimes d'une arnaque ».
Alors oui, de qui se moque-t’on, pourquoi tout à coup 7 000 logements à Noisy-le-Grand, puisque dans le cadre de la consultation sur le Grand Paris, il a été dit à Champs-sur-Marne le 03 décembre 2010, que les terrains mutables (friches industrielles, sites ferroviaires, friches urbaines, etc…) en milieu urbain représentent deux fois la surface de Paris intra muros. Ainsi, la mobilisation d’une partie de ces terrains permettra de répondre à la demande annuelle en logements de la métropole, sans raser des quartiers pavillonnaires entiers.
Monsieur le Maire, que Noisy-le-Grand participe à cet effort de construction, avec 30% de logements sociaux, cela peut être admissible, mais pourquoi autant de logements sur la ville? Ne peut-on pas mieux équilibrer raisonnablement l’ensemble des communes du bassin de vie ? Effectivement, nous pourrions nous demander si nous ne sommes pas tous des victimes collectives.
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Contribution bibliographique :
- Rapport 2011 de la Fondation Abbé Pierre : « le mal logement » www.fondation-abbe-pierre.fr
- Rapport du CREDOC/PERL : « Les difficultés de logement des classes moyennes et les besoins de mobilité résidentielle » www.perl.fr/IMG/pdf/etude-credoc-difficultes-mobilite-residentielle.pdf
- France 5 « C à dire » du 30 mars 2011
- Projet de PLU de Noisy-le-Grand - 2.1 : Diagnostic.
PLUS : Prêt Locatif à Usage Social,
PLAI : Prêt Locatif Aidé d’Insertion
PLS : Prêt Locatif Social
Reproduction du dessin de presse d’Eric Laplace « Placide », avec autorisation de l’auteur.