Mutabilité : l'Etat cède ses bijoux fonciers
MUTABILITE :
L’ÉTAT CÈDE
SES BIJOUX FONCIERS
L’ambition présidentielle est grande en voulant construire 500 000 logements/an pendant 5 ans, dont 150 000 sociaux. En cette rentrée 2012, le gouvernement fait preuve de volontarisme sur ce thème, avec plusieurs dispositifs qui se voudraient « pragmatiques, clairs, efficaces et pérennes ». Ils seront annoncés en trois grandes étapes : le projet de loi sur le logement social présenté le 5 septembre, des mesures fiscales et budgétaires de soutien au logement avec le projet de Loi de Finances le 26 septembre, et enfin une grande loi annoncée pour le printemps 2013. De quoi satisfaire les professionnels, même si les premiers résultats ne seront pas visibles avant au moins deux ans.
Le logement social : une priorité !
Conformément à la promesse du candidat François Hollande, le gouvernement a présenté le 5 septembre 2012 un projet de loi entendant créer les conditions pour construire 150 000 logements sociaux dès 2013
Ce texte comporte deux volets. Le premier volet modifie l’article 55 de la loi SRU adoptée en 2000 pour faire passer, d’ici 2025, de 20 à 25% la part minimale de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants ; 1 500 habitants en Ile-de-France. Les communes où il n’y a pas de besoins manifestes resteront tenues au quota de 20%.
Plus de la moitié de l’effort de rattrapage devra se concrétiser par des projets en PLAI ou en PLUS, soit du logement très social, le reste en PLS [1], a précisé la Ministre Cécile Duflot. Le Préfet pourra multiplier par cinq le montant des sanctions prévues (140 € par logement manquant aujourd’hui) pour les communes récalcitrantes dans la limite d’un plafond passant de 5 à 10% des dépenses de fonctionnement de la commune. Ces recettes devraient être affectées à la construction de logements sociaux,
L'Etat met à disposition des terrains
Le second volet du projet de loi, plus incitatif, instaure un cadre juridique permettant à l’Etat et à certains Etablissements Publics Fonciers de mettre à disposition des collectivités leurs terrains vacants pour construire du logement. Le Gouvernement relève en effet que le coût d’acquisition du foncier, qui représente entre 14 et 24% du coût de revient d’une opération, empêche parfois d’équilibrer financièrement les opérations de logement social, en zone tendue notamment. Sur cette question, près de 500 ha de terrains ont d’ores et déjà été identifiés pour RFF, la SNCF, et la RATP, (dont 350 ha de RFF et 140 ha de la SNCF), soit 150 sites touchant 120 communes. Le Ministre délégué aux Transports a par ailleurs décidé d'engager une démarche similaire sur les patrimoines des ports fluviaux et maritimes.
Comment ?
En autorisant une décote sur le prix du terrain. Le futur projet de Loi prévoit que cette décote pourra aller jusqu’à 100% sur le prix du terrain cédé aux collectivités locales ou aux EPCI [2] sur la partie destinée à construire du locatif social ou du logement en accession à prix maîtrisé. L’avantage financier devra être complètement répercuté dans le prix de revient des-dits logements. Si l’opération ne se fait pas dans les cinq ans, un mécanisme de remboursement est prévu. De même, le logement en accession sociale ne pourra pas faire l’objet d’une plus-value s’il est vendu dans les cinq ans. Attention toutefois, l'importance de la décote que l'Etat accordera aux prix de ses terrains sera fonction de la dimension sociale du projet. Ce qui justifiera la décote sera l'Intérêt Général, tout particulièrement la part du logement social (PLS) et très social (PLAI et PLUS), a insisté la Ministre.
Selon le Ministère du Logement, 930 sites publics, représentant 2 000 hectares au total, ont été identifiés à ce jour comme cessibles ou mobilisables pour construire quelque 110 000 logements d’ici 2016. Cécile Duflot déclarait que le logement étudiant pourrait représenter 6 à 7% des logements construits dans ce cadre.Le Ministère avait mis en ligne dès ce 5 septembre l’inventaire du foncier public disponible (cliquer sur : Inventaire de l’Ile-de-France). Mais depuis, la liste des 930 terrains à céder mis en ligne sur le site Internet du Ministère a été retirée, à cause de nombreuses erreurs. Cette liste publiée datait du mois de mars, reconnaît le porte-parole de Cécile Duflot. Toujours la faute à Sarko ? Cet inventaire pourra être enrichi ultérieurement, notamment grâce aux collectivités que nous avons sollicitées parallèlement aux services de l’Etat pour identifier d’autres opportunités», a ajouté Cécile Duflot en conférence de presse le 5 septembre.
L'Ile-de-France, qui concentre les plus fortes tensions dans le domaine du logement, compte ainsi 375 terrains mobilisables, soit 40% du total. C'est l'Essonne qui présente le plus grand nombre de terrains (83), devant les Yvelines (51), la Seine-et-Marne (50), la Seine-Saint-Denis (47) et Paris (44), En revanche, le Val-de-Marne, le Val d'Oise et les Hauts-de-Seine ne comptent respectivement que 20, 23 et 24 terrains à bâtir. En dehors de l'Ile-de-France, la liste est le reflet des territoires les plus tendus : 74 terrains mobilisables dans le Nord-Pas-de-Calais, 62 en Rhône-Alpes, 43 en Languedoc-Roussillon et 40 en Provence Alpes Côte d'Azur.
Confiante dans la réussite d’un dispositif dans lequel tous les intervenants (Etat, Etablissements Publics Fonciers, Bailleurs Sociaux, Collectivités, seront impliqués. La Ministre juge que cette Loi est nécessaire socialement et rentable économiquement puisqu’elle rapportera plus à l’Etat (TVA, emplois,…) qu’elle ne lui coûtera.
L’examen du projet de loi débutera le 11 septembre 2012 lors de la session extraordinaire du Parlement. Cécile Duflot prévoit un vote d’ici mi-octobre et une entrée en vigueur avant la fin de l’année.
Enorme couac….Quand l’Etat voulait céder des terrains déjà vendus
Cécile Duflot était prête à donner des terrains pour construire des logements sociaux, alors qu’ils étaient déjà vendus par la SNCF et RFF. C’est le cas au Raincy, à Draveil, à Bonneuil, à Pontoise, à Strasbourg, à Rennes, au Havre ….. À ce jour, une dizaine d’erreurs de ce type ont déjà été relevées. Un « couac » dont Cécile Duflot se serait volontiers bien passé, puisque le projet de Loi sur la mobilisation du foncier public doit être présenté au Parlement le mardi 11 septembre. Consciente que ces erreurs pourraient lui être imputées, elle a tout de suite pointé la « patate chaude » vers France Domaines qui, selon elle, serait le fautif, ayant omis de lister des terrains que les collectivités lorgnaient depuis longtemps pour faire des logements. Effectivement, en examinant la liste des terrains référencés en Seine-Saint-Denis, nous trouvons encore du foncier sur la ZAC du Centre Urbain Régional (CUR-Maille Horizon) appartenant à l’Etat, alors qu’un protocole d’accord relatif au retrait d’Epamarne sur Noisy-le-Grand a été signé le 09 février 2012. Désormais, la Ministre a écarté France Domaines, et ce sera au Préfet d’affiner cette liste qui devrait être finalisée d’ici à fin septembre.
Commentaires
Les amendements sont en train de se rédiger pour tenter de modifier le projet de Loi présenté par Cécile Duflot, mercredi 5 septembre en Conseil des Ministres, puis déposée au Sénat dans la foulée. Les Fédérations Professionnelles, les Associations, les Confédérations, les Unions, les Syndicats, les Partis politiques font entendre leur voix, et ont encore quelques jours pour aiguiser leurs arguments. Les pour, les contre, passons la dessus, nous y reviendrons surement dans les commentaires.
Pour l’ADIHBH-V, nous constatons tout simplement que nous sommes entrés dans une véritable opération de « mutabilité urbaine », telle que nous la concevions dans notre billet du 20 novembre 2007, intitulé : Mutabilité Urbaine, sachant que les « terrains mutables » existants sont généralement: de grandes friches industrielles, des sites ferroviaires, des parkings de surfaces, des décharges, des friches urbaines, des délaissés d’autoroute, etc… (Cliquer sur : Mutabilité Urbaine).
Par ailleurs, dans le cadre de la consultation internationale sur le "Grand Paris" lancée en 2008 sous l’égide du Ministère de la Culture, l’équipe de l’Architecte Yves Lion avait produit une carte du foncier disponible en Île-de-France, montrant que la surface de « terrains mutables » en milieu urbain représentait deux fois la surface de Paris intra muros. Lors de la réunion publique de Noisy-le-Grand, il avait même été souligné par Yves Lions, invité comme témoin, que le fait de mobiliser une partie de ces terrains permettra de répondre à la demande annuelle en logements de la métropole, et sans avoir à consommer de nouveaux terrains agricoles. Dans ce cadre, la Commission Particulière du Débat Public (CNDP) avait indiqué à l’ADIHBH-V par courrier qu’il s’agirait de cibler les « terrains mutables », et qu’il ne s’agissait nullement de réaliser des opérations d’aménagement en faisant « tabula rasa » des quartiers pavillonnaires.
En conséquence, compte tenu de ces nouvelles perspectives législatives, nous demandons encore une fois au Maire de Noisy-le-Grand d’être extrêmement vigilant sur les périmètres Bas-Heurts, Clos d’Ambert, Gournay Cossonneau et autres secteurs de la ville, puisqu’il est clairement démontré, aujourd’hui, qu’il n’est pas nécessaire de détruire des quartiers pavillonnaires historiques, pour construire des logements à Noisy-le-Grand.
A bon entendeur, …
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[1] - PLAI : Prêt Locatif Aidé d’Insertion, - PLUS : Prêt Locatif à Usage Social, - PLS : Prêt Locatif Social
[2] - EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale
Contribution bibliographique :
- Le MONITEUR.fr : Laurence Francqueville, le 05/09/2012
- LOCALTIS.info : Valérie Liquet avec AFP, le 05/09/2012
- LOCALTIS.info : Valérie Liquet avec AFP, le 06/09/2012
- Le PARISIEN.fr : Aurélie Lebelle, le 07/09/2012