Le vrai-faux problème du foncier en Ile-de-France
LE VRAI – FAUX PROBLEME DU FONCIER EN ILE-DE-FRANCE
Dans le cadre de la consultation internationale sur le Grand Paris lancée en 2008 sous l’égide du Ministère de la Culture, l’équipe de l’architecte Yves LION, avait produit un rapport que l’on peut consulter sur http://www.legrandparis.culture.gouv.fr/actualitedetail/82
Ce rapport indique que le déficit dans l’offre de logements ainsi que la montée des prix s’expliquent en grande partie par le comportement trop émietté des différents acteurs qui induit des comportements de rétention foncière. Donc :
Cessons de dire que le foncier est rare : c’est inexact !
Disons plutôt que les acteurs, à plusieurs niveaux, ont intérêt à le faire rare. Le territoire francilien est trop souvent maintenu en réserve par les aménageurs, dont la logique est de vendre les terrains petit à petit. Cette logique est corrélée à leur appréhension de se conforter à des calendriers qui dépassent les cinq ans imposés par les calendriers électoraux. Il faudrait accepter que la durée du cycle immobilier soit de 10 -12 ans.
La rétention de l’offre foncière ne vient pas seulement des professionnels, mais aussi du système institutionnel. Pour débloquer cette situation, il faudrait libérer du foncier un peu partout en même temps, et ne plus se cantonner à une logique du type : « …..on commence ici et quand on aura fini, on ira là-bas ».
Cessons de penser que c’est parce qu’il est rare que le foncier est cher !
Le foncier n’est pas rare. Le prix payé pour le foncier est autant celui de sa proximité des bassins d’emplois trop concentrés que celui du terrain lui-même. En réalité, à défaut de faire des kilomètres entre domicile et travail, les habitants de la métropole parisienne acceptent que, proportionnellement, foncier et logement soient plus chers.
Il ne suffit pas de densifier et de desservir pour enrayer la périurbanisation !
Les collectivités locales raisonnent à leur échelle, sans jamais être en mesure d’assurer les conséquences de leurs choix d’aménagement à l’échelle métropolitaine (voir notre billet du 21/12/2010: Y-a-t-il un devoir d’intercommunalité à Noisy-le-Grand ?).
Utilisé seul, l’argument de la densification ne suffira pas pour combattre la périurbanisation qui en réalité est un résultat du fonctionnement du marché. Quand bien même nous construirions assez de logements, les prix immobiliers resteront élevés et les trajets impossibles. L’équipe d’Yves Lion suggère que la régulation à concevoir concernerait les droits du sol, mais tout autant les conditions de mobilité, ou la répartition des emplois par rapport aux logements.
Alors, puisque le foncier n’est pas rare, pourquoi Michel Pajon souhaiterait raser le quartier des Bas Heurts ? Dans le cadre du débat public sur le Grand Paris, la question fut posée.
Veuillez trouver ci après un extrait de la réponse de François LEBOND, Président de la Commission particulière du débat public : « En l’absence de Contrat de Développement Territorial (CDT), la Société du Grand Paris pourra conduire des opérations d’aménagement en consultant l’avis des communes, dans un périmètre de 400 mètres autour des Gares. Il ne s’agit nullement de réaliser des opérations d’aménagement « en rasant des quartiers pavillonnaires entiers » En effet, l’une des principales difficultés pour la création des 70 000 logements / an nécessaire pour répondre aux besoins des franciliens, est la difficulté de mobiliser les terrains urbains mutables existants : grandes friches industrielles, sites ferroviaires, parkings de surfaces, décharges, friches urbaines, etc…
Dans le cadre de la consultation sur le Grand Paris, les Ateliers LION ont produit une carte du foncier disponible en Ile-de-France ; (voir sur le site : http://www. legrandparis.culture.gouv.fr/actualitedetail/82), page 95.
Cette carte montre que la surface de terrains mutables en milieu urbain représente deux fois la surface de Paris intra muros. Lors de la réunion de Champs-sur-Marne du 03 décembre 2010, il a été souligné que le fait de mobiliser une partie de ces terrains permettra de répondre à la demande annuelle en logements de la métropole, sans avoir à consommer de nouveaux terrains agricoles »
Manifestement, il est encore une fois démontré que le Maire de Noisy-le-Grand ne dispose pas des bons indicateurs, ou bien il en pratique une mauvaise lecture. Par ailleurs, que voulait dire Yves LAFFOUCRIERE, Directeur du bailleur 3F, dans son interview du Figaro le 28 décembre dernier, à savoir : « Le principal obstacle à la construction de logements sociaux n’est pas le manque de foncier en soi ; c’est le manque de foncier aménagé. Avec son modèle économique, 3F pourrait doubler ses mises en chantier en Ile-de-France pour passer de 3000 à 6000 logements / an, si l’aménagement des terrains actuellement disponibles étaient effectué».
Alors que le bailleur 3F est un partenaire de la commune de premier rang à Noisy-le-Grand, que doit-on entendre par « le modèle économique » du bailleur 3F ? Faut-il développer le modèle provocant de Michel Pajon appliqué sur la ville et tout particulièrement aux Bas Heurts, avec préemptions, « tabula rasa » au bulldozer et demain si possible expropriations sans état d’âme comme il dit régulièrement, pour bien nettoyer la prairie, puisque 3F ne souhaite pas s’enquiquiner avec les « dents creuses » ?
Dans l’affirmative, non merci Monsieur LAFFOUCRIERE, dirigez-vous sur Mennecy et Marne-la-Coquette, comme vous le dites si bien dans l’article en question.
Il est évident que la méthode agressive de la commune de Noisy-le-Grand sur le quartier des Bas Heurts est détestable, puisque le foncier n’est pas rare, pour édifier des logements, des bureaux ou des Eco-Quartiers. L’ADIHBH-V le dénonce inlassablement. Citons pour mémoire :
- Dans le Parisien du 13 novembre 2009, Françis DUBRAC estimait à 1 500 000 m² mutables, la surface des friches industrielles restant à aménager en Seine-Saint-Denis,
- Dans le rapport de Pierre POMMELET, rédigé à la demande du ministre Gilles de ROBIEN en 2003, il est précisé que les actifs fonciers du Ministère de l’Equipement à vocation d’habitat sont en Seine-Saint-Denis, à court terme de 896 000 m² et à long terme de 2 543 000 m².
Il est même précisé que compte tenu de la politique foncière à long terme menée dans le secteur des villes nouvelles, il n’y a pas encore de problèmes fonciers difficiles. La production de logements à Marne-la-Vallée se situe à un bon niveau, avec environ 2000 logements / an.
- Dans son rapport, les Ateliers LION souhaitent doubler la capacité des villes nouvelles. Il est dit que pour Marne-la-Vallée, compte tenu du dynamisme actuel du développement à l’Est de son territoire (secteurs 3 et 4), sont envisageables plusieurs scénarios qui porteraient la population de 265 000 à 465 000 habitants. Aujourd’hui, si nous réservons 2840 ha à l’agriculture biologique pour subvenir aux besoins de 500 000 personnes, il reste 1720 ha disponibles pour étendre les zones urbaines et accueillir 100 000 habitants (58 hab/ha). Les 100 000 autres nouveaux habitants venant en densification de l’existant.
- Epamarne signale que le territoire de Marne-la-Vallée s’étend sur 15215 ha, pour une population en 2009 de 282 000 habitants (18,5 hab/ha). Demain, l’objectif serait de 500 000 habitants (33 hab/ha) [1].
- Alors que Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au logement, annonçait en janvier dernier le lancement d’un second appel à projets Eco-Quartier pour 2011, soutenus dans le cadre du contrat de projets 2007-2013 partagé par l’Etat et la Région Ile-de-France, Bussy-Saint-Georges a été retenu avec son Eco-quartier du Sycomore. Il prévoit 3 000 logements dont 30% de logements sociaux répartis sur 120 hectares (25 log/ha), comprenant un parc urbain de 12 ha entourant la ferme du Génitoy. Les 10.000 habitants qui y logeront (84 hab/ha), bénéficieront de commerces de proximité, de bureaux, d’un espace culturel, d’un stade d’athlétisme couvert.
Tous ces exemples accréditent la thèse que le foncier n’est pas rare pour atteindre l’objectif des 70 000 log/an, sans pour autant affamer demain la population d’Ile-de-France et raser des quartiers pavillonnaires historiques. Au mieux, le SDRIF envisage 100 log/ha, soit 300 ha/ha, sachant que la densité moyenne de Paris intramuros est de 200 hab/ha. Nous avons bien la preuve que la densification envisagée par la commune sur les Bas Heurts, le Clos d’Ambert ou Gournay-Cossonneau, avec 170 log/ha et 460 hab/ha est déraisonnable et dénué de tout fondement sérieux.
Autre solution : Varier les typologies, en favorisant la densification des quartiers pavillonnaires!
L’évolution des modes de vie et le vieillissement de la population impliquent de repenser les manières d’habiter. La structure familiale évolue, en six ans, selon le Groupe Descartes, le nombre des familles monoparentales Franciliennes a augmenté de 11,5%. C’est la catégorie de famille qui s’est le plus développée à cause, entre autre, des divorces et des séparations de plus en plus fréquents. En 2005, 420 000 familles monoparentales vivent en Ile de France. Cela représente 8,4% des ménages contre 7,3% en province. Ces familles vivent avec 1,6 enfant en moyenne.
Faut-il pour autant entasser ces familles dans des cités collectives ? A l’heure où les personnes âgées vivent le plus souvent seules, faut-il les envoyer en maisons de retraites comme nous l’avons entendu préconiser en septembre 2004, sur les Bas Heurts, alors que 3 Français sur 4 aspirent à la maison individuelle avec un petit bout de jardin.
La crise du logement n’étant pas encore résolue, et alors que la crise financière risque de rendre plus difficile la construction et l’accession à la propriété, il est temps d’autoriser chaque propriétaire d’un pavillon de la banlieue Parisienne à construire quelques dizaines de m² supplémentaires, plutôt que de les expulser pour soit disant faire de la réserve foncière, pour le plus grand bonheur de la promotion immobilière.
Il est grand temps de repenser les moyens de créer des solidarités temporaires familiales, par le biais de surfaces habitables supplémentaires d’appoint. En fait, construire des chambres d’hôtes pour permettre aux familles d’accueillir temporairement et à moindre frais un parent âgé ou un enfant isolé dans le besoin, après un accident de la vie. Les deux photos ci-après empruntées au rapport du Groupe Descartes illustrent ces propos [2].
N’oublions pas qu’historiquement, une partie de Paris et de sa banlieue s’est construite par densification progressive de lotissements. La construction d’habitat en « barres collectives » dans les années 1970, même si cela était une nécessité du moment, fut une erreur architecturale. Aujourd’hui nous le payons très cher, dans le cadre de la réhabilitation ANRU. Si à Noisy-le-Grand nous poursuivons dans cette direction, nous préparons les réhabilitations de nos enfants en 2050.
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[1]- Dans ce scénario de 500 000 habitants, nous ne voulons même envisager les incidences néfastes sur le trafic du RER A. En dépit d’une modernisation du réseau par le STIF, avec de nouvelles rames à double étage, il est évident que dans l’attente de la mise en service du Super-métro automatique programmée en 2025, cette ligne du RER A sera toujours l’objet de dysfonctionnements et d’insatisfactions récurrentes des usagers, pour ne pas dire plus….Mais d’après le 1er Adjoint au Maire de Noisy-le-Grand, lorsque nous évoquions cette funeste hypothèse en réunion publique le 24 janvier dernier, nous étions défaitistes ? Selon lui, l’arrivée du Trans-Val-de-Marne (TVM), à la nouvelle Gare Multimodale de Noisy-Mont-d’Est, sera demain la « potion miracle », réparatrice de tous les maux ! Triste prédication, mais heureusement chez les élus optimistes, l’espoir fait vivre.
[2]- Photos empruntées au Rapport des Ateliers LION, pages 121 et 122.