Dérèglementation du Code de l'Urbanisme ?
NICOLAS SARKOZY VEUT DEREGLEMENTER
LE CODE DE L'URBANISME.
A QUOI PEUT-ON S'ATTENDRE ?
Lors de l'inauguration de l'exposition sur le Grand Paris à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine, le 29 avril dernier, le Président de la République a plaidé pour un « détricotage » du droit de l'urbanisme qu'il juge trop lourd et contraignant : '...Il faut libérer l'offre, dérèglementer, augmenter le coefficient d'occupation des sols (le COS), rétablir la continuité du bâti dans les zones denses, permettre aux propriétaires d'agrandir leur maison individuelle, rendre constructibles les zones inondables, utiliser les « dents creuses », changer la façon d'appliquer le droit... En fait, plus généralement, sortir du respect passif d'une réglementation de plus en plus pesante' .
La méthode présidentielle est vaste et même parfois paradoxale en rendant constructibles les zones inondables !!!.... Toutefois elle se veut progressive mais avec des effets immédiats, parfois brutaux, qui augurent de relations délicates avec les défenseurs de l'environnement au sein même du gouvernement. En matière de densification, par exemple, il s'agit d'autoriser, jusqu'au 31 décembre 2010, l'implantation de construction en limite séparative sans Enquête Publique, par le biais d'un simple « porté à connaissance » du public, pendant une durée d'un mois. Cette mesure devrait permettre de libérer 150 000 à 200 000 parcelles de terrain à bâtir, 5500 communes étant concernées par cette réforme.
Patrick Devedjian, lui, y va aussi de son petit couplet en proposant de relever le seuil de déclanchement obligatoire des Enquêtes Publiques, qui passerait de 1,9 à 4 millions d'euros. ' Il s'agit d'une « karchérisation » du Code de l'Environnement ' souligne France Nature Environnement.
Les batailles s'annoncent rudes, et les consultations interministérielles houleuses, notamment avec le Ministère du Développement Durable qui brandit le volet 'gouvernance environnementale' du projet de Loi d'orientation Grenelle 1, et des modes opératoires figurant dans le projet du Grenelle 2, qui sera examiné en septembre 2009 au Sénat. Or, celui-ci prévoit déjà d'autoriser le Gouvernement à procéder, par ordonnance, à une nouvelle rédaction du Code de l'Urbanisme.
REACTION DE FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT SUR LE PLAN DE RELANCE ET LA SUPPRESSION DES ENQUÊTES PUBLIQUES
« Extrait »
Patrick Devedjian a annoncé avoir soumis à la consultation interministérielle un texte visant à relever le seuil de déclenchement des Enquêtes Publiques. En clair, le but est de permettre l'autorisation d'un maximum de projets à risques sans concertation et information du public (riverains, associations, élus, etc...).
Pour Sébastien Genest, Président de FNE : « la création des Enquêtes Publiques environnementales par la Loi Bouchardeau du 12 juillet 1983 était un progrès démocratique pour lequel les associations se sont battues. Sa remise en cause est un scandale ! ».
Sébastien Genest poursuit : « Cette annonce, réalisée sans aucune consultation préalable, n'a aucun intérêt ni économique ni écologique. Pire, elle sous-entend que l'écologie ne rime pas avec économie, cette vieille erreur que les acteurs du Grenelle avaient pourtant enterré. Décidément, certains font tout pour que ce plan de relance ne soit pas vert, mais bien gris foncé ».
Pour Arnaud Gossement, porte parole de FNE : « Cette annonce n'a pas de sens. L'urgence est d'améliorer, pas de supprimer les Enquêtes Publiques. L'urgence pour la France est de se conforter à ses engagements européens et internationaux. L'urgence est de faire en sorte que les citoyens aient envie de participer aux Enquêtes Publiques ! L'urgence n'est pas de karchériser le Code de l'Environnement ! ».
Pour FNE, il faut réfléchir à la raison pour laquelle le public pourrait bouder certaines Enquêtes Publiques. A l'évidence, le public a parfois l'impression que les jeux sont faits et les projets ficelés avant même la consultation. De plus, pendant l'Enquête Publique, les conditions de participation et d'accès à l'information pourraient être grandement améliorées....
FNE note que la suppression plutôt que l'amélioration des procédures de concertation peut conduire la France à être en infraction avec ses engagements européens. FNE réclame depuis longtemps le respect des dispositions de la convention signée à Aarhus en 1998, aux termes desquelles le public doit être consulté.
FNE demande le retrait pur et simple de ces réformes et le fera savoir dès l'ouverture de la table ronde..................
COMMENTAIRE
Le principe d'une déréglementation est la suppression pure et simple de la réglementation en vigueur. La déréglementation est un retour aux principes du « laissez-faire ». Ainsi, les théoriciens de l'Economie de l'offre, tablent sur les vertus du libre marché et de la concurrence pour obtenir de meilleurs résultats, plutôt qu'à travers le contrôle des activités économiques par les pouvoirs, les administrations et les juges administratifs.
Alors que personne ne conteste le fait qu'il faut construire des logements, le Président de la République s'est fixé comme objectif de doubler la construction de logements en Ile-de-France pour la porter à 70 000 logements /an. Mais quelle part pour le vrai logement social ? Et surtout comment ? Tout le monde sait depuis des années que le foncier n'est pas un problème car il y en a suffisamment de disponible en Ile-de-France. Rappelons-nous que le Schéma Directeur de la Région Ile-de-France (SDRIF), à peine moins ambitieux, prévoyait la création de 60 000 logements /an. Mais cet objectif n'a jamais pu être mis en œuvre, nous en sommes péniblement aujourd'hui à 35 000 /an !
Alors pourquoi ? D'abord parce que ce sont les Maires qui disposent des permis de construire, et jusqu'à présent personne ne peut les obliger à construire (tous ne sont pas aussi vertueux que le Maire de Noisy-le-Grand !). Ensuite, parce que les organismes HLM dépendent grandement des budgets publics, et qu'ils en manquent cruellement. Enfin, parce que les promoteurs, avec la crise conjoncturelle, n'ont pas aujourd'hui la capacité de produire.
Préconisée par l'équipe de l'Architecte Jean Nouvel et scandée dans son discours présidentiel, Nicolas Sarkozy veut déréglementer le Code de l'Urbanisme. Ce serait le remède à la crise du logement. Soit disant que les « méchants urbanistes gestionnaires du droit des sols brideraient le développement urbain, ne laissant pas les 'archis' exprimer leur talent créatif, forcement bienfaiteur pour loger les gens en grande difficultés !
La thérapie préconisée est radicale : 'vous avez de la température, alors cassons le thermomètre'. C'est très bien pour le « bling bling », mais cela ne soigne pas obligatoirement le malade ! Ces déclarations d'intention laissent d'abord sceptique. Est-ce-que cela changera fondamentalement les choses ? Ce raccourci simpliste n'a pas échappé au Sénateur UMP Philippe Dallier, qui connaît bien son sujet pour avoir signé plusieurs rapports sur la politique du logement. Ce dernier ne jugerait pas crédible la proposition du Président ?... « Quand je l'ai entendu dire qu'il suffisait de déréglementer le droit de l'urbanisme pour construire 70 000 logements /an, j'ai eu envie de sourire ». Selon Philippe Dallier, la première préoccupation devrait être l'établissement d'un Programme Local de l'Habitat (PLH) du Grand Paris. « Sans cela nous ni arriverons pas ! » ajoute t-il. Pour mémoire, rappelons que le PLH de Noisy le Grand date de septembre 1997. Il serait peut être temps de l'actualiser !
Encore Nicolas Sarkozy : « nous ferons le grand Paris...avec des ingénieurs, avec les entrepreneurs mais aussi avec les architectes, avec les artistes, avec les poètes, avec les musiciens.... » Soit, mais Monsieur le Président, et si nous le faisions aussi avec les citoyens, avec les habitants, car l'usager se réappropriera la ville lorsqu'il sera fier de sa ville, lorsqu'il aura contribué à l'élaboration de son cadre de vie. C'est ce qu'une équipe d'Architecte du Grand Paris a joliment appelé : «... le passage de la ville du besoin à la ville du désir....Ce désir sans lequel il ne peut y avoir ce sentiment d'attachement, ce sentiment d'appartenance ».
Hier la modification des recours contre les Permis de Construire, aujourd'hui le projet de Loi de Roland Blum contre les recours abusifs des Associations, la simplification des Enquêtes Publiques de Patrick Devedjian et le « détricotage » du Code de l'Urbanisme de Nicolas Sarkozy .... A l'écoute de cette 'musique de fond persistante' nous devons très sérieusement nous poser la question de savoir si l'effet recherché, n'est pas tout simplement d'exclure le citoyen du contrôle de la gestion des sols, c'est-à-dire de son cadre vie. Depuis une quinzaine d'année, sous la pression des aménageurs et des investisseurs, les gouvernements successifs de gauche et de droite ont cherché à réduire le contre-pouvoir exercé par les citoyens et les juges administratifs.
Comme nous le faisons déjà à Noisy-le-Grand contre les projets pharaoniques de la Commune, nous pouvons aussi nous interroger sur le fait de savoir si l'urbanisation des villes durables doit être menée au nom d'un quelconque intérêt général, contre les intérêts individuels immédiats des propriétaires privés des terrains (Préemption , DUP, Expropriation...). En fait, chaque atteinte aux droits de propriété, par une déréglementation du Code de l'Urbanisme, n'est elle pas une atteinte aux valeurs essentielles de notre société ? Quelle est la place du droit de propriété individuel parmi les droits de l'homme dans le cadre d'une déréglementation généralisée? De vraies questions qu'il faudra bien aborder un jour !
Si le fondement de la démocratie réside dans un équilibre entre les pouvoirs et les contre-pouvoirs, en cherchant à évincer les contre-pouvoirs citoyens, nos hommes politiques portent atteinte à la démocratie. Oui, il faut peut être simplifier le Code de l'Urbanisme et 'assagir' le droit de propriété en établissant un meilleur équilibre entre ses droits et ses devoirs. Mais il faut aussi supprimer toutes les dispositions qui facilitent les manipulations et les passe-droits : les anticipations sur les documents qui ne sont jamais approuvés, l'absence de véritable concertation et débats publics, les restrictions au droit de saisine des juridictions administratives, la faiblesse du contrôle de légalité dévolu aux Préfets,....
A ce jour, dans la négative, les seules démarches qui aient été efficaces face aux excès de pouvoir de certains élus locaux ont été assurées par des Associations de Défense comme l'ADIHBH-V par exemple, et des Associations de Protection de la Nature, et du Cadre de Vie par leurs actions contentieuses auprès des Tribunaux Administratifs.
Appliquons quelques concepts rénovés, les règles peuvent surement être assouplies, mais pas abolies, car il faudra toujours un règlement de bon voisinage. Enfin, cette schizophrénie de déréglementation du Code le l'Urbanisme, aujourd'hui en plein débat parlementaire sur le Grenelle de l'Environnement qui procède à une refonte du Code de l'Environnement, laisse plusieurs urbanistes perplexe. En effet, le législateur inscrit plus de réglementation dans les textes environnementaux et devra simplifier dans un mouvement symétrique le Code de l'Urbanisme pour hâter la relance des constructions neuves. Cette contradiction n'est pas neutre, attendue par de nombreux promoteurs immobiliers, cette libéralisation ouvrirait tout autant sur la ville durable, que sur la ville du seul marché de l'immobilier.
Eh oui, mais « plan de relance » oblige ! Et le Bâtiment, c'est aussi des emplois ! Avouons que toutes ces articulations et interdépendances contradictoires sont nombreuses et complexes !
Alain Cassé
Président de l'ADIHBH-V
Contributions bibliographiques ;
- LE MONITEUR.fr , Françoise Vaysse et Josette Dequéant,
- Service communication de FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT (FNE).
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