Le droit de préemption
LE CITOYEN,
FACE A LA COMMUNE
QUI PREEMPTE
VOTRE BIEN IMMOBILIER.
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.... « J'ai mis en vente un pavillon de banlieue, suite au décès de ma mère, pour lequel un promoteur m'a proposé 630 000 €. Nous avons signé un compromis de vente et l'acte de vente définitif devait être conclu. Or je viens d'être informé par la commune le dernier jour du délai imparti, que cette dernière exerce son Droit de Préemption sur ce bien, afin de réaliser un équipement collectif. Le prix d'achat proposé par la commune est de 441 000 €, soit 30 % de moins que ce que j'avais obtenu, ce qui remet sérieusement en cause le financement d'un autre bien immobilier. Vu mon âge, les prêts relais sont hors de prix, en supposant que mon dossier médical puisse encore me permettre de l'obtenir. Quant à l'acheteur, qui pensait que cette ville était la ville de ses rêves, il est évidement furieux »...
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Toute commune dotée d'un PLU peut instaurer un Droit de Préemption Urbain (DPU) sur tout ou partie de son territoire. La commune peut ainsi, lorsqu'un bien immobilier est mis en vente, se substituer dans un but d'Intérêt général.
Le DPU peut être simple. Il exclut alors les immeubles bâtis depuis moins de 10 ans, et les locaux situés dans un immeuble dont le règlement de copropriété est établi depuis plus de 10 ans à la date de la vente. Sur certain quartier il peut être renforcé, et concerne alors tous les biens immobiliers. Il convient d'indiquer qu'aujourd'hui à Noisy le Grand, le DPU « simple » est institué sur l'ensemble des zones urbaines et à urbaniser. Toutefois, est institué également un DPU « renforcé » sur les secteurs : Mont d'Est, Pavé Neuf et sur l'Îlot délimité par l'Avenue Emile Cossonneau, la rue du Docteur Jean Vaquier, la rue des Anciens Combattants d'Afrique du Nord et la place Galliéni.
Afin que la commune puisse faire jouer son droit en cas de vente d'un bien immobilier situé dans le périmètre de préemption, la loi oblige le vendeur, l'agent immobilier ou le notaire ce qui est selon nous plus judicieux, à lui adresser une Déclaration d'Intention d'Aliéner (DIA : formulaire téléchargeable sur www.service-public.fr), par lettre recommandée avec avis de réception. A ce moment là, l'avis de France Domaine doit être sollicité par la commune. Un Agent des Domaines viendra visiter sommairement votre bien et remettra un prix d'acquisition à la commune sous un mois. L'information est opaque, l'indicateur du prix SPDHO / € /m² est spécifique, le préempté n'est jamais informé du montant.
A compter de la réception de la DIA, la commune a 2 mois pour exercer le DPU. Si, à l'issue de ce délai, la commune n'a pas réagi, la vente peut se réaliser aux conditions indiquées dans la DIA.
Ici, plusieurs cas de figures peuvent se présenter :
- La commune préempte au prix mentionné dans la DIA :
Cette démarche suffit à réaliser la vente entre vous et la commune, c'est la vente parfaite. La commune a 3 mois pour signer l'acte définitif de vente. Le paiement doit vous être versé dans les 6 mois, faute de quoi vous pouvez demander à la commune de vous rétrocéder le bien. L'acquéreur initial est évincé sans indemnité, l'agent immobilier ne peut prétendre à sa commission.
- La commune préempte à un prix inférieur à celui de la DIA :
Si vous acceptez le prix proposé, le dossier est clos.
Si vous refusez de vendre, vous pouvez l'indiquer expressément à la commune, ou en vous abstenant de répondre dans les 2 mois, le dossier est clos.
Toutefois vous disposez d'un délai de 2 mois pour tenter de négocier. Si vous refusez le nouveau prix de vente, alors que vous manifestez toujours votre intention de vendre, la commune saisit dans les 15 jours le Juge des Expropriations, pour faire fixer le prix de votre bien immobilier. Si la commune ne réagit pas dans les 15 jours, elle renonce donc tacitement à préempter et vous pourrez vendre aux conditions de la DIA. Le dossier est clos.
- La phase judiciaire :
Dans les 15 jours suivant votre refus du prix proposé par la commune, celle-ci saisi le Juge des Expropriations du Tribunal de Grande Instance de Bobigny. Ce dernier viendra expertiser votre bien et en vertu du Code de l'Expropriation et compte tenu de la jurisprudence, il y a alors de bonnes chances pour que le prix ainsi fixé soit supérieur à l'offre de la commune.
Une fois que le Juge a rendu sa décision, vous ou la commune avez 15 jours pour faire appel devant la Cour d'Appel de Versailles
FRANCE DOMAINE, C'EST QUI, C'EST QUOI ?
France Domaine est un service à compétence nationale du Ministère du Budget, des Comptes Publics et de la Fonction Publique. Ce service est chargé de l'acquisition, la gestion et la cession des biens domaniaux, l'établissement de l'assiette et le contrôle des redevances domaniales, et le recouvrement des produits domaniaux de toute nature.
Concrètement, le service des domaines a pour mission d'évaluer et vendre les biens, mobiliers et immobiliers appartenant au domaine public ou privé des personnes publiques et dont celles-ci ont décidé la cession.
France Domaine dispose d'une représentation locale dans chaque département. Pour la Seine Saint Denis elle se situe à Noisy le Sec.
PREEMPTES, OSEZ RECLAMER LE JUSTE PRIX DE VOTRE BIEN !!!...
L'offre amiable est souvent inférieure à la valeur réelle du bien sur le marché. L'indemnité que propose le Préempteur ou l'Expropriant est déterminée initialement par les Agents des Domaines, dépendant de la Direction Générale des Impôts (DGI). L'avis du service des domaines est un avis simple. Soucieux d'économiser les deniers de la puissance publique, ils estiment souvent le bien préempté (ou exproprié) très en dessous de sa valeur en cours sur le marché immobilier. Mais attention ce n'est pas une généralité, parfois c'est la commune qui prend l'initiative de vous faire des propositions très inférieures aux domaines (relire les conclusions du Commissaire Enquêteur, lors le l'Enquête Publique sur la modification du PLU de Noisy le Grand). Comme toutes ces opérations sont opaques, pendant la période des négociations amiables il est relativement tentant pour une commune de vouloir faire passer les Agents des Domaines pour de « vilains petits canards ».
Toutefois, il peut y avoir parfois des propositions communales de prix supérieures à celle des domaines. C'est par exemple le cas lorsque la commune attaque une nouvelle opération immobilière sur un quartier, afin de lancer le processus de déstabilisation de la population du secteur. Après les premières acquisitions à l'amiable, très rapidement des permis de démolitions seront signés par le Maire, et ces pavillons seront démolis, Cela créera des lacunes sur le quartier, et ainsi accentuera le traumatisme des résidents, c'est une stratégie communément pratiquée !!!...
Finalement, pour obtenir l'indemnité « juste et équitable » prévue en cas de préemption (ou d'expropriation), n'acceptez jamais sans discuter les offres amiables de la commune. Le seul moyen d'y parvenir est souvent de saisir le Juge des Expropriations. Dans ce cas, un bon jugement peut être préférable à un mauvais arrangement.
Comme vous avez du mal à déterminer objectivement la valeur de votre bien, vous devez vous faire assister. Soit par plusieurs agences immobilières, mais très souvent les prix divergent de 20 à 30% et nous ne sommes pas certains que les juges raffolent de cette méthodologie. Soit par des officines privées qui ne manquerons pas de vous solliciter et qui vivent de ce type de commerce ; elles se rémunéreront en prenant 20% du supplément de prix qu'elles vous feront obtenir par rapport à la proposition initiale de la commune. Il en sera de même si vous faites appel au Syndicat National de Défense des Expropriés.
Pour mettre toutes les chances de votre côté faites-vous assister par un Avocat spécialisé de l'expropriation (bien qu'un Avocat ne soit pas obligatoire). Il démontrera à l'aide d'un mémoire bien argumenté que le prix proposé par la commune est trop faible, en répondant point par point aux arguments du préempteur (ou de l'expropriant) et du Commissaire du Gouvernement. Cet Avocat pourra s'appuyer sur une expertise indépendante réalisée par un Expert immobilier agrée auprès du « Tribunal de Grande Instance de Bobigny » et de la « Cour d'Appel de Versailles ». Cela aura un coût, mais c'est admissible compte tenu de l'enjeu (*). De plus ce dernier aura accès au fichier qui recense l'ensemble des transactions immobilières de biens similaires de ces dernières années, soit chez les notaires, soit aux hypothèques du département. Par ailleurs, les honoraires d'Avocat présentent l'avantage de pouvoir être mis en tout ou partie à la charge du préempteur, par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dans ce cas de figure, notre retour d'expérience à Noisy-le-Grand montre que le Juge des Expropriations accorde 15 à 30% de plus que la commune. Parfois même beaucoup plus comme ce fut le cas pour les expropriés de l'Ilot Mairie en 2005, où les indemnités furent relevées jusqu'à 70% et confirmées devant la cour d'Appel de Versailles. Ce n'est pas rien, mais quel combat pour ces familles !!!...
En outre, l'indemnité accordée par le Juge des Expropriations peut être assortie d'une indemnité dite de « réemploi », correspondant aux frais engagés par les préemptés (ou l'expropriés) pour qu'ils puissent s'établir dans la même situation, par exemple les frais d'agence et de notaire correspondant à l'achat d'un nouveau bien. Une indemnité spécifique de déménagement peut aussi être accordée, au vu d'un devis. Le préjudice moral n'est jamais retenu, ce qui est dommageable, car le traumatisme est bien réel.
Enfin, signalons qu'en acceptant trop facilement une offre amiable de la commune, sans faire appel au Juge des Expropriations, le préempté risque non seulement de se léser lui-même, mais aussi ses voisins du quartier en les empêchant ultérieurement d'obtenir davantage en justice. C'est le cas très fréquent lors des successions de personnes âgées, puisque les ayants droits sont bien souvent éloignés, ne sont pas impliqués dans la vie du quartier, et souhaitent récupérer rapidement quelque somme d'argent. C'est un vrai sujet de préoccupation pour l'ADIHBH-V !
(*) Peut être pris en charge par votre « Assurance Protection Juridique ». Vous devez obligatoirement en souscrire une.
LE JUSTE PRIX DE VOTRE BIEN IMMOBILIER, C'EST QUOI ?
En aucun cas, lorsque vous résidez sur le quartier des Bas Heurts à Noisy-le-Grand, ce n'est l'indemnité qui vous permettra de vous reloger à 40 km de Paris, ou en province, même si c'est votre choix.
Le juste prix de votre bien immobilier doit tenir compte de votre environnement, c'est celui qui vous permettra de vous reloger dans la même situation. Dans le cas présent : dans un pavillon identique avec votre bout de jardin, vos pommiers en espaliers et votre massif de rhododendrons, à 16 km de Paris, à 700 m de deux stations de RER (Bry sur Marne et Noisy Mont d'Est), à 700 m de l'autoroute A4, à 300 m d'un Groupe Scolaire Primaire, à 500 m d'un Collège, à 700 m d'un Lycée, à 700 m d'un Centre Commercial et de Superettes, à 1000 m des bords de Marne.
COMMUNICATION DE L'AVIS DE FRANCE DOMAINE.
L'avis donné par le service des domaines en application de l'art R.213-21 du Code de l'Urbanisme constitue un document administratif au sens de la Loi n°78-753 du 17 juillet 1978 modifiée. Cet avis est donc en principe communicable, sauf lorsque la commune est dans la phase de négociation. S'agissant de la communication d'un avis établi à la demande d'une commune, il n'appartient pas au service des domaines de se prononcer sur l'opportunité de communiquer ce document, dont il a perdu la libre disposition à compter de sa transmission. Dans ces conditions, si le vendeur veut connaître l'évaluation domaniale, il lui appartient de la demander à la commune.
Le bilan des acquisitions et des cessions immobilières permet au Conseil Municipal de porter une appréciation sur la politique immobilière menée par la commune, et ainsi assurer l'information de la population (lire en complément : Code Général des Collectivités Territoriales : Cessions et Acquisitions)
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Contribution Bibliographique :
- Code Général des Collectivités Territoriales,
- Le MONITEUR : 12 avril 1996,
- Le Particulier : septembre 2002, n° 957, Laurence BARNIER,
- Le Particulier : juillet-août 2006, n° 1003, Chantal MASSON.