Les abus de pouvoir des politiques
LE CITOYEN FACE
AUX ABUS DE POUVOIR
Il s'agit ici de retracer le colloque organisé le 02 juin 2007, sous l'égide de l'Université Paris Panthéon Sorbonne et d'Antic (*).
Ce colloque abordait un thème peu traité et pourtant capital mettant en question les fondements même de la démocratie, à savoir : le citoyen face aux abus de pouvoir des politiques.
L'ambition du colloque était de s'interroger concrètement sur les mécanismes qui peuvent conduire certains représentants du peuple à bafouer les droits des citoyens, ou à se retourner contre eux. Un autre axe des interventions proposait des pistes de réflexion sur les mécanismes de contre-pouvoir, les leviers de contrôle qui permettent aux citoyens de résister contre les abus de pouvoir en tout genre.
Sous la direction de François AMELI, les actes de ce colloque sont publiés aux Editions LE MANUSCRIT www.manuscrit.com. Nous y apprenons que si le pouvoir se délègue, la vigilance elle, ne devrait jamais se déléguer. A la responsabilité des politiques répondrait donc le devoir du citoyen, qui est d'obéir à la loi tout en exerçant une surveillance et un contrôle continus des pouvoirs (ce que nous appelons à l'ADIHBH-V, faire son métier de citoyen).
Or, dans les faits, quels sont les mécanismes de contre-pouvoir, les leviers de contrôle qui permettent aux citoyens de résister contre les abus de pouvoirs en tout genre, et notamment de la part de ceux qui ont pour devoir de les représenter ou de les administrer ? Donc, face aux lenteurs et imperfections de la justice dont savent jouer les politiques peu scrupuleux, jusqu'à quel point le « quatrième pouvoir », celui des médias, peut-il être envisagé comme un recours ? Aujourd'hui, que peut-on attendre du « cinquième pouvoir », celui de la « blogosphère », ou encore de la constitution de « jurys de citoyens » chargés d'évaluer l'action publique ?
La lecture de cet ouvrage permettra à chaque citoyen de se faire son opinion au travers de nombreux constats et témoignages. Ici, nous reprendrons seulement quelques éléments de la synthèse du colloque, afin de retenir les points essentiels.
En premier lieu, cela concerne les moyens utilisés pour commettre des abus de droit. Christophe Grébert, célèbre blogueur du Web Citoyen et journaliste à la radio RFM, a bien montré comment l'abus de pouvoir s'accompagne de l'utilisation d'argent public pour poursuivre des fins personnelles : fabrication de tracts diffamatoires, utilisation des marchés publics avec phénomène de corruption, procédés d'atteinte à la réputation à travers des plaintes, des menaces,...
En deuxième lieu, le Professeur Alexandre Dorma nous indique que les pouvoirs locaux s'instrumentalisent pour perdurer et jouent sur des phénomènes de clientélisme. Sur ce point, la disposition des services municipaux joue un rôle très important pour soutenir l'action des maires. Les maires disposent de pouvoirs considérables : exécutifs du Conseil Municipal, principaux employeurs de la ville, présidents de droit de l'Office des HLM, ils attribuent les logements, président le bureau d'aide sociale et attribuent les secours sociaux. Ils ont l'autorité de la Police Municipale, tiennent l'Etat Civil, délivrent les Permis de Construire et décident des inscriptions dans les écoles... Donc, nous aurions bien institutionnellement une concentration des pouvoirs chez les maires qui, au plan local, pourrait poser problème si l'un d'eux sortait du cadre légal.
En troisième lieu, Yannick Noah rappelle dans un film que les citoyens sont à la fois lâches et résistants. D'autres appellent ce phénomène la délégation de confiance. Quant nous avons élu quelqu'un, il se produirait un transfert de confiance. Forcement bien élu, pense-t-on, puisque issu du suffrage universel, aussi nous peinons à le considérer comme un fraudeur potentiel à la loi. En fait, et c'est une grave erreur, les mécanismes de contrôle des élus ne sont malheureusement pas naturels.
Enfin, nous lirons toute une série de conclusions relatives aux remèdes ou aux éventuelles solutions:
- encourager les médias à aller regarder de plus près,
- développer le référendum d'initiative populaire sur les sujets locaux,
- introduire davantage de proportionnelle dans les Conseils Municipaux,
- limiter le cumul des mandats,
- déprofessionnaliser les mandats locaux, limiter les durées pour qu'ils ne soient pas conçus comme une carrière,
- procéder à l'évaluation régulière des élus,
Pour terminer, si nous vivons une période où nous assistons à la fois à l'avancée des droits, nous relevons en même temps des reculs du droit qui peuvent nous paraître insupportables et de plus en plus inadmissibles. Dans ce cas, il faut naturellement évoquer le rôle des nouvelles technologies, par exemple la vidéosurveillance. C'est un enjeu nouveau dans nos sociétés démocratiques où les détendeurs du pouvoir bénéficient d'une concentration accrue de moyens et peuvent utiliser ces technologies à des fins personnelles. Technologies qui sont encore des zones de non droit, notamment sur internet.
(*) : Chronique rédigée avec l'aimable autorisation de Monsieur François AMELI.
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Biographie des intervenants au colloque :
- François AMELI : Docteur en Droit, Avocat à la Cour, Professeur à Sciences Po Paris, Maître de Conférence : Université Panthéon Sorbonne,
- Christian CHARRIERE-BOURNAZEL : Bâtonnier à l'Ordre des Avocats de Paris,
- Alexandre DORNA : Professeur de Psychologie sociale et Politique, Université de CAEN,
- Christophe GREBERT : Blogueur et Journaliste à RFM,
- Serge PORTELLI : Magistrat et Vice - Président du TGI de Paris,
- Pierre RANCE : Journaliste et Chroniqueur Judiciaire à Europe 1,
- Frédéric ROLLIN :Professeur de Droit Public à l'Université de Paris X Nanterre,
- Jasna STARK : Avocate au Barreau de Paris,
- Séverine TESSIER : Ancienne Conseillère Municipale Socialiste de Clichy (92)
- Frédéric TIBERGHIEN : Conseiller d'Etat.