Le suspense est resté entier jusqu'au bout mais le Conseil de surveillance de la Société du Grand Paris a décidé le mardi 25 juin 2019 de dire un oui définitif à l'interopérabilité des lignes 15 Sud et 15 Est à Champigny-sur-Marne. Cette décision a été accueillie avec un immense soulagement par les collectivités territoriales et collectifs d'usagers et de riverains de l'Est parisien mobilisés depuis la remise en question du projet par mesure d'économie à l'automne 2018.
Pour rappel, cette option technique permet d’éviter un changement de train à Champigny pour passer de la 15 Sud à la 15 Est dans le cadre d’une boucle complète, grâce à une fourche permettant à d’autres trains de poursuivre jusqu’à Noisy-Champs et à la ligne 16. Elle était prévue dans le projet initial et actuellement celle qui est retenue dans les calculs de temps affichés par la Société du Grand Paris, établissement public maître d’ouvrage du métro. Son remplacement par une simple interconnexion fait toutefois partie des pistes d’économie envisagées pour limiter le dérapage du coût total du projet, dont certaines dimensions avaient été sous-évaluées.
«Le Conseil de surveillance retient la proposition du directoire de poursuivre la réalisation de la ligne 15 Est en intégrant dans son programme d’investissement la réalisation de l’ensemble des infrastructures nécessaires à l’interopérabilité. Il attire par ailleurs l’attention d’Île-de-France Mobilités sur les analyses des experts notamment quant à la nécessité d’attendre un retour d’expérience suffisant avant de mettre en oeuvre un dispositif d’exploitation qui soulève encore de nombreuses questions», a motivé la Société du Grand Paris.
Pourtant, jusqu’au dernier moment, rien n’était acquis et les rumeurs sur l’abandon de l’interopérabilité circulaient dans les cercles d’initiés. Mais après un débat d’une grosse heure, le Conseil de surveillance a fini par accepter de voter une délibération sanctuarisant l’interopérabilité. «Thierry Dallard a compris la semaine dernière qu’il était coincé et il n’a pas voulu prendre le risque d’être mis en minorité. Il a pris tout seul la décision de remettre en question cette interopérabilité, sans même prévenir le préfet de Région, qui était lui-même plutôt en faveur du projet initial. Michel Cadot a assuré aux élus des collectivités territoriales que les représentants de l’État au Conseil de surveillance ne voteraient pas pour l’abandon de l’interopérabilité», explique un connaisseur du dossier.
La SGP va devoir regagner la confiance des territoires
Pour l’Association Orbival, qui regroupe des élus du Val-de-Marne de tous bords ayant oeuvré pour un métro de banlieue à banlieue bien avant la naissance du projet, cet épisode a fait naître des tensions avec la Société du Grand Paris et elle indique qu’elle restera sur ses gardes. «Nous nous réjouissons d’avoir été entendus à l’issue d’une période d’inquiétude. Au travers de ce choix, c’est l’ensemble des possibilités d’évolution du schéma d’exploitation du réseau de transports francilien qui est sauvegardé. Nous espérons aujourd’hui ouvrir une nouvelle page de la construction du métro en reprenant un chemin de confiance mutuelle qui ne peut être que positif pour l’ensemble du projet. L’Association Orbival, engagée depuis 2006, continuera d’être vigilante à ce que les engagements pris soient tenus, dans une relation constructive avec la Société du Grand Paris», a-t-elle commenté.
Le Président du Conseil départemental du Val-de-Marne, Christian Favier, a qualifié cette décision de «très bonne chose». «Ce débat qui a duré neuf mois a pu démontrer le légitime attachement de la population, des associations et des élus à la réalisation du Grand Paris Express avec la meilleure efficacité. Il a aussi permis d’avoir des échanges techniques très approfondis entre tous les acteurs qui n’ont fait que confirmer l’importance du bouclage de l’ensemble de la ligne 15. Les trafics vont être très élevés, et la réalisation dans le calendrier le plus rapide possible de la ligne 15 Est est absolument impérative. Tous les participants au processus de concertation se sont retrouvés sur cet enjeu essentiel, et c’est un acquis important. Il faut maintenant que tous les acteurs soient pleinement mobilisés et travaillent ensemble pour la réalisation rapide de ce beau et grand projet, légitimement très attendu.»
Pour son homologue de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel c’est «un grand soulagement pour le Département qui s’est mobilisé aux côtés des nombreuses collectivités afin de sauver la rocade du futur métro» L’élu met en garde pour la suite. «Pourtant déjà actés depuis longtemps, les schémas d’exploitation, les tracés, les gares, risquent d’être fragilisés par l’entêtement de Bercy à trouver des économies au détriment du projet. Le Département de la Seine-Saint-Denis, avec les autres Départements, territoires et villes concernées, continuera à combattre toute logique court-termiste et comptable qui déboucherait sur un Grand Paris Express au rabais. Ce qui est le chantier du siècle doit venir désenclaver durablement la Petite Couronne, assurer un rééquilibrage territorial de la métropole francilienne, et améliorer le cadre et la qualité de vie de tous les habitants.»
Si les élus refusent de faire dans le triomphalisme, et restent mobilisés pour obtenir le respect des calendriers, des projets et des compensations, la municipalité de Champigny-sur-Marne va inviter par courrier ses habitants à fêter cette décision samedi sur la place Jean-Baptiste .
Comment fonctionnera la ligne 15 avec l’interopérabilité de Champigny-sur-Marne :