Le Conseil citoyen, à Noisy-le-Grand et ailleurs...
LE CONSEIL CITOYEN,
UN NOUVEL OUTIL
DE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE
Le rendez-vous manqué de la politique de la ville
Faire des habitants les acteurs du changement, telle était l’approche préconisée par Hubert Dubedout dans son rapport de 1983.Cette démarche suscita alors une forte attente des professionnels, des citoyens et des associations. 32 ans plus tard, force est de constater, même si la politique de la ville a constitué un lieu riche d’expérimentations participatives, ce projet reste largement inabouti.
Dans un rapport à François LAMY, Ministre délégué chargé de la ville, rédigé par Marie-Hélène BACQUE et Mohamed MECHMACHE, de Juillet 2013 (1), ces derniers préconisent qu’il faut engager une réforme radicale, mettant les habitants au centre de la politique de la ville et ayant le courage d’accompagner des politiques publiques co-élaborées et qui s’appuient sur des initiatives citoyennes. Il semble évident que le Ministre de la ville en question, s’est inspiré de ce rapport pour rédiger sa loi.
La Loi du 21 février 2014, dite « Loi LAMY »….
Mesure phare du pilier participation de la loi LAMY, les Conseils citoyens sont encore en cours d'installation dans la majorité des quartiers prioritaires (2). Les habitants pourront-ils raccrocher les wagons des contrats de ville, qui seront bientôt signés un peu partout ?...
Ci-après, voici un tour d’horizon des questions que se posent les élus pour tenter de se saisir de cet "ovni institutionnel".
La loi du 21 février 2014 de « programmation pour la ville et la cohésion urbaine », dite loi LAMY, a introduit plusieurs obligations en la matière, dont celle de mettre en place un Conseil Citoyen dans chaque quartier prioritaire (2). Définis par la loi, le rôle et les modalités de constitution et de fonctionnement de ces comités ont été détaillés par la suite dans un cadre de référence.
A la différence du Conseil Consultatif de Quartier (CCQ) qui n'a qu'un rôle consultatif, l'ambition du « Conseil citoyen » est de permettre aux habitants de participer au processus d'amélioration de leur quartier, dans une logique de co-construction. Il est ainsi prévu que les Conseils citoyens soient associés à l'élaboration, à la mise en œuvre et à l'évaluation des «Contrats de ville» et, qu'à ce titre, ils soient représentés dans toutes les instances de pilotage du Contrat de ville.
Le processus d'élaboration des « Contrats de ville » touche à sa fin. Fin novembre 2015, 397 contrats sur 437 étaient signés, selon le Commissariat Général à l'Egalité des Territoires (CGET). Les Conseils Citoyens, en revanche, seraient encore en majorité en cours de constitution. En septembre 2015, selon une projection du CGET, environ 800 Conseils devaient être encore installés, en plus des 380 déjà en place.
Parmi les conseils déjà installés, certains rarissimes sont signataires du Contrat de ville, au même titre que les collectivités, l'Etat et les autres partenaires. C'est le cas de GAP (05) où des membres du Conseil citoyen participent également à toutes les réunions politiques et techniques du Contrat de ville. Pour la plupart des conseils, on n'en est pas encore là.
Tirage au sort : aucune liste en elle-même n'est suffisante,
Selon la loi, le Conseil citoyen est composé, d'une part, d'habitants tirés au sort dans le respect de la parité entre les femmes et les hommes et, d'autre part, de représentants des associations et acteurs locaux. Et le cadre de référence précise : sans qu’un pourcentage ne soit imposé, le collège habitants doit constituer a minima 50% des membres du Conseil citoyen.
Le choix de la liste ou des listes d'habitants pour le tirage au sort a été sans conteste l'une des questions les plus épineuses à résoudre. N'ayant pas obtenu l'autorisation des services fiscaux pour utiliser les listes liées à la taxe d'habitation, des villes se sont finalement rabattues sur les listes électorales. Ceci semble toutefois insatisfaisant, puisqu'elles ne comprennent pas les personnes de nationalité étrangère, ces listes ayant pour seul avantage de capter les jeunes inscrits automatiquement à l'âge de 18 ans. Finalement, le tirage au sort s'effectuera sur la base de listes issues d'un croisement entre les listes électorales et celles de la Caisse d'allocations familiales (CAF).
Le CGET admet toutefois que, faute de pouvoir disposer des listes des bailleurs ou d'autres, beaucoup de territoires ont dû se résoudre à utiliser les listes électorales.
Mobiliser les habitants par cercles concentriques
Autre solution qui semble avoir été souvent privilégiée, la constitution de listes de volontaires, établies à l'issue d'actions de communication plus ou moins poussées (tracts dans les boîtes aux lettres, réunions d'information, porte-à-porte, etc.). Parmi les volontaires, une partie des membres du conseil sont alors désignés par tirage au sort.
A GAP, la mobilisation des habitants a été menée par cercles concentriques. Les professionnels (responsables de centre social, équipes de prévention spécialisée, etc.) ont d'abord invité chacun deux ou trois habitants volontaires à participer à une réunion ; puis, ces habitants sont eux-mêmes allés déposer des tracts dans les boîtes aux lettres pour inviter les habitants en leurs noms à la prochaine réunion.
Le défi de la collectivité : aider le Conseil à trouver sa place
sans interférer...
Jusqu'à présent, les communes ont été la plupart du temps obligées de se sur-investir pour lancer cette initiative. Aujourd’hui, les Conseils citoyens ne sont donc pas encore complètement adultes. C'est l'autre défi de taille pour les pouvoirs publics locaux, celui de parvenir à trouver le juste équilibre entre, d'une part, la nécessité d'apporter un appui au conseil pour lui permettre de démarrer et de fonctionner et, d'autre part, l'atteinte du réel objectif de la loi, à savoir l'autonomie, l'indépendance d'un conseil appelé à voler de ses propres ailes…
L'installation d'un mode de fonctionnement un peu serein ne va pas de soi, celà prendra du temps. A Mulhouse (68), une « Agence de la participation citoyenne », chargée d'accompagner les habitants, a été mise en place dans le cadre de la démarche « Territoire Hautement Citoyen ». Cette agence, au statut de régie personnalisée rassemble dans son conseil d'administration des élus municipaux, des partenaires institutionnels et associatifs et des représentants des Conseils citoyens. L'équipe municipale est dans ce cadre à disposition, mais ne s'impose pas.
L'intervention d'un tiers semble, dans un premier temps, inévitable. Autre exemple, après l'installation des conseils en décembre 2015, la Communauté d’Agglomération de PLAINE COMMUNE (93) proposera une mission d'accompagnement à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour fournir un apport en ingénierie et un appui institutionnel et juridique aux conseils.
De l'ingénierie, des locaux, des moyens...
Il s'agira notamment d'aider chacun à opter pour le statut le plus adapté. Un tel accompagnement doit cependant n'être que transitoire, il pourrait être suivi à PLAINE COMMUNE de formations adaptées aux besoins spécifiques des membres du conseil (formation aux techniques d'animation, par exemple).
Outre cet apport en ingénierie et en formation, la question des moyens mis à disposition des conseils se pose. Selon la loi, un lieu et des moyens dédiés doivent être prévus et inscrits dans le Contrat de ville. Selon le nombre de quartiers prioritaires et les facilités mises à la disposition des communes et intercommunalités, ces moyens pourraient être assez différents d'un territoire à l'autre. Un abondement de l'Etat est toutefois prévu dans le cadre du contrat.
A GAP, la ville a mis à disposition une salle et l'Etat a alloué au conseil, en 2015, une enveloppe de 5.000 euros ayant servi à financer des équipements informatiques, des actions de communication et la première action du conseil qui concerne l'organisation d'un forum citoyen.
A quoi sert un conseil citoyen ?
Une fois toutes ces questions : périmètre, composition, et moyens… résolues, les Conseils citoyens pourront enfin se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire se demander que faire et dans quel but. A GAP, pour être présents partout, ses membres se sont répartis les différentes instances du Contrat de ville, comité de pilotage, réunions techniques sur l'éducation, l'emploi, etc. S'appropriant petit à petit le Contrat de ville, ils pourront bientôt s'en faire l'écho auprès des autres habitants.
Lors du forum citoyen qu'ils ont organisé en octobre 2015, les membres du conseil citoyen ont cherché à se faire connaître et à valoriser les porteurs de projets du Contrat de ville. Ces derniers sollicitent désormais le conseil sur leur projet.
Toute la difficulté pour les membres du conseil, sera de bien clarifier leur positionnement, d'être en appui, de faire le lien, sans pour autant participer eux-mêmes à la mise en œuvre des projets. Pour assurer à la fois de la souplesse et de la continuité, le conseil de Gap a convenu qu'il était possible de démissionner au cours du mandat, mais que la personne devrait alors trouver son remplaçant.
Autre difficulté relative au positionnement : comment faire le lien avec les habitants sans les représenter ? Dans l'esprit du dispositif, les membres des Conseils citoyens sont invités à être, en quelque sorte, des « experts du vécu » de leur quartier, à échanger avec les acteurs institutionnels comme avec les autres habitants, mais à ne parler qu'en leurs noms…
Les conseils citoyens, on les verra à mi-mandat.
La simple présence des habitants dans le comité de pilotage du Contrat de ville a déjà démontré des effets. Cela oblige les acteurs locaux à une sorte d'exigence globale, de pédagogie. L'enjeu de la mobilisation du droit commun est très lié à celui des habitants. Les habitants parlent d'école, de logement… Ils ont de fait une vision transversale.
L'équation, complexe, nécessite cependant du travail, des efforts d'adaptation et de l'humilité de la part des habitants comme de celle des élus et des professionnels. Pour que les habitants membres du conseil soient suffisamment motivés pour maintenir leur implication dans la durée, ils doivent pouvoir cerner précisément leur rôle, comprendre comment ils vont pouvoir influencer les pouvoirs publics.
Cet enjeu sera l'un des points à l'ordre du jour du prochain comité de suivi national des Conseils citoyens, qui aura lieu en février 2016 sous la présidence du Ministre de la Ville. Il y sera aussi question de la mise en place de réseaux, de regroupements de type départemental pour favoriser le dialogue et l'échange de pratiques entre les Conseils citoyens eux-mêmes. D'ici là, le CGET aura conduit une nouvelle enquête sur la mise en œuvre des conseils. Avant de mettre en place des indicateurs permanents de suivi, dans le cadre du nouvel observatoire de la politique de la ville, en cours d'installation, les Conseils citoyens, seront évalués à mi-mandat, il faudra du temps
Et Noisy-le-Grand :
Pour tirer parti des nouvelles dispositions légales dans le cadre de la politique de la ville, la Municipalité de Noisy-le-Grand a choisi de mettre en place un nouveau dispositif de démocratie participative : le Conseil Citoyen. Le nouveau contrat de ville concernera les quartiers du Champy, du Pavé neuf et du Palacio. Prioritairement, se sont donc les habitants de ces quartiers prioritaires qui participeront, mais pas seulement !
Vous avez jusqu'au 18 janvier 2016 pour candidater grâce au formulaire en ligne. La sélection des candidats au Conseil Citoyen se fera en respectant la plus stricte parité.
Plus d’informations sur :
http :// www.noisylegrand.fr/ma-mairie/vie-citoyenne-participation/cc/
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Contribution bibliographique :
Localtis.info, le 09 décembre 2015, Caroline Megglé : Participation des habitants, les Conseils Citoyens changeront-ils la donne ?
(1) Rapport BACQUE-MECHMACHE : Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires. Cliquer sur : http://www.associations-citoyennes.net/?p=3271
(2) A Noisy-le-Grand les quartiers prioritaires sont : Le Champy, le Pavé neuf et le Palacio.