L’Urbanisme , c’est quoi ?
QU’EST-CE QUE L’URBANISME ?
Christian Devillers, né à Paris en 1946, est un Architecte-Urbaniste et Professeur d'Architecture. En 1990, il ouvre son agence et exerce son activité dans trois domaines : le projet urbain, l'espace public et les infrastructures urbaines, l'architecture. De 1995 à 1999, il est professeur à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (chaire de composition urbaine) et anime l’Atelier National Projet Urbain au Ministère de l’Équipement jusqu’en 2000. Prix de l’Equerre d’argent en 1984, il reçoit le Grand Prix de l’Urbanisme et de l’Art Urbain en 1998 pour « Un équilibre parfait entre idées et actions ».
Pendant ces années de pratique, Christian Devillers a écrit de très nombreux articles dont une grande partie développe et approfondit sa réflexion sur la notion de projet urbain. Il a évoqué avec passion ses bâtiments mais également des réalisations émanant de sa structure « Projets urbains Devillers associés » qui intervient dans les domaines de l’urbanisme, du paysage et de l’espace public.
Le point de vue de Christian DEVILLERS sur l’Urbanisme.
(Texte intégral - Revue URBANISME, mai-juin 2010 n°372)
C’est l’ensemble des savoirs et des modes opératoires susceptibles de s’appliquer à l’urbain, soit aujourd’hui à l’ensemble du territoire, y compris les zones non ‘urbanisées ‘ de la campagne, de la montagne ou du littoral dont l’usage et le devenir sont désormais intimement liés à celui des villes. L’urbanisme ne peut pas être une discipline, encore moins une profession mais un grand nombre de sciences, de disciplines, de pratiques, de professions, d’expertises, y compris d’expertise du quotidien que Jack Ralite (et avant lui Henri Lefebvre) attribuent aux habitants. Une discipline parmi d’autres ; le projet (en anglais, design).. Appliqué au bâtiment : architecture, aux lieux extérieurs et au végétal : paysage(isme), à la ville, aux territoires : projet urbain (ou de paysage, entendu au sens de territorial). Différence : un bâtiment ou un jardin est conçu et réalisé dans un espace et un temps limité pour un destinataire / commanditaire identifié.
La ville, le territoire, le paysage n’ont pas de limites spatiales et temporelles. L’action que l’on peut avoir sur eux aussi puissante ou violente soit-elle, n’est jamais que momentanée et fragmentaire. On ne les "projette" pas, on ne les commence pas, on ne les finit pas.
Le projet urbain ou de paysage est par nature transitoire et inachevé, les destinataires / commanditaires sont nombreux, voire "innombrables". On voit qu’à part la discipline projet, beaucoup de choses séparent le projet urbain de l’architecture et le rapprochent du paysage. On a pu d’ailleurs constater que la ville réduite à UNE architecture était une monstruosité productiviste (le grand ensemble) ou fasciste : une "esthétisation du politique" (Adorno).
La ville est la plus merveilleuse création humaine et a cette faculté prodigieuse d’être très ancienne (permanence, persistance, elle accumule) et en perpétuel renouvellement (substitution par partie, lieu de l’innovation…).
Une "ville" qui se construit en effaçant les traces de ce qui la précède (fussent-elles fragiles comme un chemin rural) a déjà perdu la moitié de ce qu’est une ville (elle n’a pas d’histoire, pas d’épaisseur, de complexité). Une ville qui ne peut pas se renouveler par partie (sans perdre l’ensemble) est déjà une ville morte.
Le ‘projet’ urbain (de paysage, de territoire,…) doit être comme l’espace auquel il s’applique : un emboîtement de spatialités et de temporalités différentes.
Notre société entretient depuis un siècle, un rapport schizophrène avec l’urbanisme. Il y a ce dont on parle et qu’on réalise sur une faible partie du territoire, et le reste. Dans les Trente Glorieuses il y a eu: la planification, l’aménagement du territoire, et la banlieue. Aujourd’hui, depuis les années 1970, un urbaniste de la reconversion (du moins en Europe occidentale et très partiellement en Amérique du Nord) et l’étalement urbain devenu la transformation de la campagne en ville diffuse : phénomène massif, impensé (le lotissement) dont la nature urbaine n’est même pas reconnue (la mission des pouvoirs publics y est de protéger la nature).
L’urbanisme de reconversion (de revalorisation, de renouvellement, etc..) a beaucoup d’avantages : c’est un urbanisme « opérationnel » sur un territoire limité dont l’aménageur est devenu le "pilote du projet ou d’opération complexe ". Ce n’est pas par hasard qu’il coïncide avec le transfert de l’urbanisme aux Villes et avec la vogue du projet urbain dont il permet des développements sophistiqués. C’est une deuxième (ou troisième) urbanisation, elle est tributaire des structures urbaines et paysagères existantes, elle procède rarement de la table rase.
En créant de la "valeur", des pôles de transport, des centralités, cet urbanisme de reconversion est au service de la ville et limite son extension. L’idée de projet est à l’origine de la Loi SRU et subsiste dans le PADD. A côté de l’urbanisme réglementaire (droit des sols), l’urbanisme opérationnel est devenu l’outil privilégié des villes, il a pris une dimension stratégique.
Contrairement à ce que certains croient, le "développement durable" est beaucoup plus qu’un engouement politiquement correct des Maires pour les éco-quartiers. Il est en train de modifier profondément notre représentation collective de l’espace ; nous avons pris conscience de la limite des ressources en énergie, en eau, en terre agricole et de la nécessité de les ménager.
Cela implique qu’il y ait une planification territoriale et des ressources qui ne seraient plus technocratiques (comme dans les années de croissance) mais politique et participative parce qu’elle repose sur cette conscience collective. Cela implique aussi que les rôles, les méthodes, les connaissances évoluent vite…Preuve qu’il ne faut s’enfermer dans aucune définition de l’urbanisme.
La position de l’ADIHBH-V :
« Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ! »
Christian Devillers est également Chercheur, Enseignant, Théoricien, Praticien, il est à la fois témoin et acteur de la construction d’un ensemble de valeurs scientifiques de la recherche en Urbanisme et en Architecture moderne depuis les années 60.
Ses différents travaux sont marqués par un souci de comprendre et de reconstruire les processus de projet comme activités intellectuelles et à travers leur matérialisation.
A force de théoriser et chercher, Christian Devillers a enfin trouvé qu’une ville qui ne peut pas se renouveler par partie (sans perdre l’ensemble) est déjà une ville morte (URBANISME, mai-juin 2010, n°372). Nous comprenons donc que le quartier des Bas Heurts sera mort. Il précise aussi par ailleurs, qu’une opération de renouvellement urbain ne procède que rarement de la table rase.
Mais voilà, dans les années 2012 il rencontre Michel Pajon, alors Maire-Urbaniste en Chef de Noisy-le-Grand et accepte « une commande » en vue de la création de la ZAC du Clos aux Biches. A savoir l’édification de 1.500 logements sur un terrain totalement vierge (table rase garantie).
Ce serait dans la recherche du projet urbain des Bas Heurts de Christian Devillers, ? Nous sommes sceptiques et émettons de sérieuses réserves, car nous baignons dans une totale confusion, volontaires ou pas, de concepts distincts entre la théorie et la pratique de l’urbanisme opérationnel.
En effet, si la capacité de rayonnement de Christian Devillers, tant dans le débat public que dans ses écrits sur la manière de préparer la ville de demain était hier respectable : aujourd’hui sur le quartier des Bas Heurts à Noisy-le-Grand, son logiciel a pour le moment buggé.
Si nous pouvons comprendre que l’Architecte-Urbaniste Christian Devillers, en tant que Chef d’Entreprise doit aussi faire vivre "sa boutique", cet aspect des choses nous interpelle sur la faible marge de manœuvre entre l’Architecte-Urbaniste, face au pouvoir politique local qui délivre la « commande publique » !
Aussi, nous ne souhaiterions pas qu’un grand Architecte-Urbaniste devienne tout simplement un instrument docile du pouvoir politique de Noisy-le-Grand ou un exécutant servile des opérateurs immobiliers.
Malheureusement, cette image assez négative n’est pas, admettons-le, totalement dénuée de fondement, à partir du moment où le projet urbain de Christian Devillers est un projet de promoteur où ne transparaît jamais la réalité sociale du quartier des Bas Heurts et son histoire vivante.
Où se trouve la qualité urbaine pour chacun de ses habitants ?
Christian Devillers mesure-t-il la violence que constituent l’éviction des habitants du quartier et son effacement pur et simple ? Evidemment nous sommes en profond désaccord sur la ZAC "table rase" et rappellerons à Christian Devillers que cette doctrine d’aménagement de la « tabula rasa » conduisant à l’anéantissement préalable de toute trace d’occupation antérieure, pour reconstruire à neuf une réalité urbaine assainie, privé de mémoire et de passé et surtout libérée des actuels habitants qui ont occupé les lieux, certains depuis plusieurs générations est tout simplement un URBICIDE !
Christian Devillers devrait le savoir. Il est acquit, aujourd’hui, que le bilan des méfaits de la table rase est très lourd. Urbanistes, Géographes et Historiens de la ville s’accordent à dire que cette méthode a fait lamentablement faillite. Outre les dégâts humains considérables que cette approche de la « Tabula rasa » a provoqué partout où elle a prévalu, elle a systématiquement abouti à des désastres urbanistiques majeurs, dont les conséquences se font sentir pendant des dizaines d’années, dans la perspective d’un nouveau projet ANRU.
La raison de cet échec est simple. Les quartiers d’une ville sont des organismes vivants, qui se forment progressivement, par accumulation et sédimentation de couches successives, par densification et modification des tissus physiques et sociaux. Par mutation du parcellaire rural en foncier urbain, basée sur la diversification et la hiérarchisation des affectations et des modes d’occupation du sol, etc…mais sûrement pas en pratiquant la table rase.
de régénérer un tissu urbain d’un quartier Ouest de Noisy-le-Grand, il convient désormais d’abandonner ce mythe destructeur pour aborder la question en des termes tout à fait nouveaux, et de démonter la pertinence du « projet d’inflexion » du Collectif A.U et de l’ADIHBH-V présenté à la Commune le 17 juin et en conférence publique à Noisy-le-Grand le 22 juin écoulé.